
Gouverner, ce n’est pas faire chabrol (chabrot) aussi librement qu’un citoyen lambda. Cette pratique alimentaire d’une partie du sud de la France est une coutume qui consiste, quand il reste un fond de soupe ou de potage, à ajouter dans l’assiette du vin rouge pour…continuer la bouffe. Elle existe également sous nos tropiques, singulièrement chez les Soninké et les khassonké, milieu commun musulman où le lait remplace le vin. En effet, Yigo ou Khamari-kendè, ou Yagharé ou Moussou-bètè, quand il reste encore un fond de couscous dans la calebasse mais que la sauce s’est amoindrie, y verse du lait pour continuer à manger. Tout cela, non pas pour divaguer, mais pour dire que parmi les appréhensions exprimées çà et là sur le mode gestion des nouvelles taxes décidées cavalièrement par les autorités, qui ont en tout cas montré qu’elles les maintiendront quoiqu’il advienne, et alors que des acteurs sociaux continuent à appeler à leur abrogation, il y en a de coulées dans du zinc affirmant que “toute l’affaire n’est qu’un maillon d’une stratégie de conservation du pouvoir”. Dans tous les cas, on doit s’abstenir de gouverner par la ruse, le mensonge et surtout en imposant des choses, donnant le sentiment aux citoyens qu’on agit par la force des baïonnettes. C’est une erreur gravissime. Il en est des individus comme des pouvoirs : “Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es” se décline par “Dis-moi sur qui tu t’appuies, je te dirai comment tu tomberas”. Les flagorneurs ne sont jamais des boucliers efficaces. On l’a vu avec Amadou Toumani Touré, on l’a vu avec Ibrahim Boubacar Keïta… Et ceux-là qui étaient prêts hier à sacrifier pères et mères pour un Assimi sont maintenant les inventeurs d’un néologisme regrettable : ‘’dessoutenir Goïta’’. Et ils sont plus nombreux que les carillonneurs du crépuscule.
Les Maliens aiment le Mali, il faut le leur reconnaître. Mais l’imposition des taxes sur les opérations de téléphonie mobile a été décidée à la hussarde. La phase du manque de délicatesse est malheureusement passée, il reste celle de la retenue pour savoir si l’on peut conclure en attestant la brutalité. Elle a été comme une affaire de non-initiés et de non-spécialistes décidés à en faire à leur tête. La fausseté est patente, rien que par le constat que le CNT a été contourné dans le processus. Pourquoi ? On aurait pu atteindre la session parlementaire d’avril prochain (25 avril) pour légitimer (légaliser) les deux ordonnances querellées car l’adoption d’un projet à caractère national et dont l’enjeu économique est si important doit répondre à une procédure de conformité au cadre juridique de la Charte de Transition par l’examen du CNT. Nul doute que c’est un fonds public qui doit être géré par un comptable public sous l’autorité du ministre de l’Économie et des Finances. D’où le sentiment prégnant que “Ils veulent s’exonérer des procédures budgétaires et du contrôle”. C’est comme si le PT n’a plus confiance au ministre gardien des avoirs de l’État, en sa probité et transparence, ce qu’avait d’ailleurs laisse entendre M. Diané, le ministre de l’Énergie, qui affirma plus tôt que les précieux fonds seront logés à la présidence de la République parce qu’aucun ministre ne veut les garder. Ubuesque explication, s’il en est. Ne plaise à Dieu, si demain il est constaté des irrégularités ou des fautes de gestion, c’est la première des institutions de la République et la clé de voûte de toutes les autres, le PT, qui répondra devant le peuple, la justice et le Ciel. Dans le contexte actuel, cela ne va pas sans souiller l’honneur de nos Armées qui ont la haute main sur les institutions prééminentes et sur les démembrements de l’État. Puisse Dieu nous épargne un tel scenario ! En tout cas le scénario des fonds publics gérés par la présidence de la République est jugée aberrante par beaucoup. Dans notre présente édition, notre compatriote Boubacar Touré, juriste à Montréal (Canada) expose quelque voie pour une sortie honorable de l’imbroglio.
Amadou N’Fa Diallo
Source : journal Le National n°678 du jeudi, 13 mars 2025.