Le report léger des élections annoncé par les autorités de la transition a été accueilli diversement au sein de l’opinion publique nationale. Cependant, quels enseignements à tirer de ce report léger des élections ?
Premièrement : Le ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, annonçait lors d’un point de presse tenu à Bamako, le lundi 25 septembre 2023, que la société impliquée dans le processus au niveau du recensement, réclame le paiement plus de 5,2 milliards de francs CFA (soit 8 millions d’euros) aux autorités maliennes et refuse de faire « le transfert de propriété du système, dont la transmission du mot de passe fait partie. En d’autres termes, précise le communiqué lu par le ministre, le contrat signé avec cette société en 2018 portait sur une solution propriétaire, dont le Mali n’a pas le code d’accès ». En réalité, sans ces dites données, le gouvernement ne pouvait en aucun cas réussir l’organisation d’élections, libres et transparentes. Elles sont indispensables à l’organisation des différentes échéances électorales devant mettre fin à la transition. En réalité, l’indisponibilité de ces données biométriques pourrait être qualifiée comme l’un des facteurs de blocage de l’organisation des élections à venir dans le pays. Le Mali ne fait pas l’exception en la matière, aucun pays ne saurait réussir l’organisation d’élections démocratiques, libres et transparentes sans une base de données du recensement à vocation d’état civil (RAVEC), devant servir de base de données pour l’élaboration du fichier électoral.
D’ailleurs et pour preuve, le gouvernement de la transition a annoncé la récupération des données biométriques (électorales), à une entreprise étrangère par les informaticiens de Mali « Kura Biométrie » Dans un communiqué, du 14 février par le chef de Cabinet, nous notons ceci : « le ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, « a le plaisir d’informer l’opinion nationale de la reprise normale de l’ensemble des fonctionnalités du système d’enrôlement biométrique, grâce au nouveau système dénommé « Mali Kura Biométrie ». « Ce nouveau système informatique souverain de gestion des données du Recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC). « Par conséquent, le Centre de Traitement des Données de l’état civil (CTDEC) a mis fin à l’émission des numéros d’identification nationale (NINA) temporaires qui permettent de prendre en charge les usagers non encore enrôlés dans la base de données RAVEC ». La récupération de ces données du RAVEC, pourrait être une étape décisive dans l’organisation matérielle et technique des élections à venir dans le pays.
Deuxièmement : L’adoption de la nouvelle constitution, il fallait mettre en place un comité d’experts de relecture des avant-projets de lois pour une application effective de ladite constitution. En effet, ce comité a été mis en place à la Présidence de la République pour la relecture des avant-projets de loi portant application de la nouvelle Constitution. Il a présenté, le lundi 12 février 2024 au palais de Koulouba, les résultats de son travail au chef de l’Etat, son excellence le Colonel Assimi GOITA. Ledit comité était composé de vingt-Cinq (25) membres, issus des départements ministériels, institutions de la République, les universitaires. Pour le Président du Comité, Professeur Fousseiny SAMAKE, la création de ce Comité reflétait la volonté affichée des autorités de la transition pour permettre de « réévaluer et d’apporter les modifications nécessaires » aux textes qui doivent accompagner les dispositions de la nouvelle loi fondamentale (Constitution) du Mali.
Le travail des experts a porté sur Onze (11) avant-projets de loi organique, trois (3) avant-projets de loi ordinaires et un (1) avant-projet de décret. Ces textes revêtent une grande importance pour la mise en œuvre de la nouvelle constitution et l’avènement de la quatrième République. Il y a des textes indispensables pour le fonctionnement de la quatrième république, par exemple, les lois organiques régissant certaines institutions telles que la Cour des comptes, la Cour suprême et la Cour constitutionnelle. Le président dudit comité a également évoqué la loi électorale et d’autres dispositions novatrices de la Constitution, notamment celles liées aux langues nationales.
Troisièmement : Il fallait que ce comité d’experts finisse son travail de relecture des avant-projets de lois pour permettre aussi une relecture de la loi électorale, en vue de sa conformité avec la nouvelle constitution. Pour ces avant-projets de lois allant dans le cadre de la relecture de la loi électorale, il pourrait s’agir de : (1) lois organiques et ordinaires déterminant les nouvelles circonscriptions électorales, conformément à la nouvelle réorganisation territoriale ; (2) lois organiques et ordinaires déterminant le niveau de circonscription électorale (cercle ou région) ; (3) lois organiques et ordinaires déterminant le nombre de députés et de sénateurs par circonscription électorale ; (4) lois organiques et ordinaires déterminant le monde scrutin (majoritaire ou proportionnel), pour l’élection des députés et des sénateurs, car la majorité des acteurs politiques et sociaux sont favorables au mode de scrutin proportionnel pour l’élection des députés et des sénateurs, afin d’éviter que les grands partis politiques se taillent la part du lion au niveau des deux chambres. La relecture de la loi électorale contribuerait à renforcer davantage le cadre juridique, organisationnel et technique des élections. Pour les autres avant-projets de lois, il pourrait s’agir aussi du renforcement des pouvoirs de l’Autorité Indépendante Gestion des élections (AIGE).
En somme, dans la démarche de mise en œuvre, les projets de loi examinés seront d’abord présentés au Conseil des ministres, puis à l’organe législatif de la transition, le Conseil National de Transition (CNT), pour adoption des lois organiques et ordinaires pour une application effective de la nouvelle constitution.
Au regard de tout ce qui précède, le gouvernement de transition doit développer des initiatives pour une meilleure inclusion des personnes déplacées internes (PDI) et des réfugiés dans les processus électoraux, et ce, depuis l’élection du Président de la République en 2013, les personnes déplacées internes et les réfugiés n’ont participé à aucune consultation électorale en République du Mali.
Cependant, une meilleure inclusion de ces personnes vulnérables dans les processus électoraux, le gouvernement doit initier des actions suivantes :
- Mettre en place des audiences foraines pour recenser les personnes déplacées internes et les réfugiés ;
- Doter ces personnes déplacées internes et les réfugiés de documents administratifs et électoraux pour leur inclusion dans les processus électoraux.
- Mettre des dispositifs pour leur prise en compte dans le fichier ;
Si ces dispositions sont prises à temps, ces couches vulnérables pourraient participer de façon efficace et efficiente aux différentes consultations électorales à venir dans le pays.
Dr Bréhima Mamadou KONE, Politiste