Dans certaines parties du Sahel, la production céréalière a considérablement chuté et l’actuel conflit entre la Russie et l’Ukraine devrait entraîner une réduction notable des quantités de blé disponibles pour six pays ouest-africains.
Avec 27 millions de personnes qui souffrent de la faim, l’Afrique de l’Ouest connaît sa pire crise alimentaire depuis une décennie. Ce nombre pourrait atteindre 38 millions d’ici juin si des mesures ne sont pas prises de toute urgence ; il s’agirait d’un nouveau cap historique et d’une augmentation de plus d’un tiers par rapport à 2021.
Cette alerte est lancée par onze organisations internationales réagissant aux nouvelles analyses du Cadre harmonisé de mars 2022. Ces organisations sont Oxfam, Action contre la faim, Save the Children, CARE International, International Rescue Committee (IRC), Norwegian Refugee Council (NRC), The Alliance for International Medical Action (ALIMA), Tearfund, World Vision (WV), Handicap International – Humanité & Inclusion et Mercy Corps.
Depuis une décennie, loin de s’atténuer, les crises alimentaires augmentent à travers la région ouest-africaine, notamment au Burkina Faso, au Niger, au Tchad, au Mali et au Nigéria. Entre 2015 et 2022, le nombre de personnes en besoin d’assistance alimentaire d’urgence a presque quadruplé, passant de 7 à 27 millions de personnes.
« La production céréalière a chuté d’environ un tiers dans certaines régions du Sahel, par rapport à l’année dernière. Les réserves de nourriture des familles touchent à leur fin. La sécheresse, les inondations, les conflits et les impacts économiques de la COVID-19 ont forcé des millions de personnes à quitter leurs terres, les poussant au bord du gouffre », déclare Assalama Dawalack Sidi, directrice régionale d’Oxfam en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Des conséquences dramatiques pour les femmes et les filles
Les cas de malnutrition sont en constante augmentation dans la zone sahélienne. Les Nations unies estiment que cette année 6,3 millions d’enfants âgés de 6 à 59 mois souffriront de malnutrition aiguë et que plus de 1,4 million d’entre eux seront en phase de malnutrition aiguë sévère – contre 4,9 millions d’enfants malnutris aigus en 2021.
Malgré le rôle crucial que jouent les femmes et les filles en étant responsables de l’alimentation du foyer, les normes sociales impliquent que lorsqu’il n’y a pas assez de nourriture pour tout le monde, elles sont les premières à se priver ou à faire des sacrifices, mettant ainsi leur santé ou leur vie en danger.
L’insécurité liée aux conflits a contribué à une réduction drastique des terres ensemencées et cela, combiné aux poches de sécheresse et à la mauvaise répartition des pluies, affecte les sources de nourriture des communautés, surtout au Sahel central. Pour pallier les pénuries, plusieurs familles vendent leurs actifs, compromettant ainsi leurs capacités de production et l’avenir de leurs enfants. Plus de jeunes filles pourraient être contraintes au mariage précoce et d’autres formes de violences basées sur le genre risquent d’augmenter à mesure que la nourriture se raréfie.
La crise européenne ne fait qu’empirer la situation
Au cours des cinq dernières années, les prix des denrées ont augmenté de 20 à 30 % en Afrique de l’Ouest. Alors que s’amenuisent les réserves alimentaires, la crise en Ukraine vient dangereusement empirer la situation. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, les prix des denrées pourraient encore augmenter de 20 % à l’échelle mondiale. La crise risque aussi de provoquer une baisse de la disponibilité du blé pour six pays de l’Afrique de l’Ouest qui importent, de Russie ou d’Ukraine, au moins 30 % de cette denrée, voire plus de 50 % pour certains.
Un autre effet probable de la crise en Europe est une chute brutale de l’aide internationale pour l’Afrique. De nombreux bailleurs de fonds ont déjà indiqué qu’ils pourraient procéder à des coupes dans leurs financements en direction de l’Afrique. Par exemple, le Danemark a annoncé qu’il reporterait une partie de son aide bilatérale au développement destinée au Burkina Faso (50 % en 2022) et au Mali (40 % en 2022) plutôt que de financer, avec de nouveaux fonds, l’accueil des personnes ayant fui leur foyer en Ukraine.
Source: Rural 21