Insalubrité à Bamako : A qui incombe la responsabilité ?
Banalisés, au point que les Bamakois semblent s’y habituer, les déchets sont désormais omniprésents dans la capitale. Dans la commune III, du marché de Dabanani à Hamdallaye, ils forment des amas qui ne cessent de croitre.
Au bout de la rue, une odeur nauséabonde annonce les couleurs. Aux abords de la rivière Badialan-Kodabougou dans la commune III, l’horloge marque 15H10, le soleil est à son Zenith. Dans une ambiance grouillante, se dresse un spectacle alarmant. Les abords et la fosse de la rivière regorge d’ordures, des déchets plastiques, des vêtements abandonnés et des eaux usées, un mélange qui s’avère irrespirable. Autour de ce désastre environnemental, subsistent des familles et des établissements dont le complexe scolaire Monzon Diarra et l’université privée Bazo. Cette rivière est également devenue le lieu de convergence des eaux usées de lavage automobile et les eaux de ménage. Dans sa boutique faisant face, à la rivière, un jeune commerçant porte un cache-nez, un symbole de la lutte quotidienne contre une atmosphère toxique.
Dans les décombres trainent des enfants errants, qui traversent une rive à une autre à l’aide de pneus leur servant de pont, à la recherche d’objets recyclables. Juste à côté, Cissé Abdou en maillot de foot prend le thé avec un ami habillé en costard cravate. Originaire du quartier, Cissé Abdou s’est resigné, familiarisé avec l’état du lieu affirmant « ça derange, mais on essaie de faire avec ». Cet étudiant en finance comptabilité est bien au courant des dangers auxquels ils sont confrontés. Soulignant d’ailleurs des nombreuses fois où des proches sont tombés malades « le paludisme est récurrent ici » a-t-il fait savoir. De même, il déplore le désarroi face à l’inaction des autorités municipales, de l’absence d’ONG et association œuvrant pour l’environnement et aussi les intentions malveillantes des populations qui, tard la nuit, déversent leurs ordures ménagères. Une situation, selon M. Cissé, s’explique par le fait que, tout le monde n’a pas le moyen pour s’abonner au professionnel de l’hygiène d’éboueur, puisque « le mois coûte entre 2000 à 5000f ». Il se tut, le temps de servir le thé, un premier bien infusé à la menthe. « Dans le passé, les habitants se sont parfois unis pour assainir le lieu » poursuivit-il. Mais la satisfaction n’a toujours été que de courte durée, car aussitôt assaini, le lieu retourne à son état second. A noter également que « Des habitants d’autres quartiers s’en servent comme un dépotoir » conclut-il.
En suivant le courant d’eau de la rivière, on se dirige automatiquement au marché de Wolofobougou. Un marché qui accueille quotidiennement, une foule immense, dans une ambiance ahurissante. Dans la rivière et ses alentours, se révèle un véritable désastre écologique plus spectaculaire encore. Les eaux usées laissées à Badialan n’ont pas suspendu leur course et consolident davantage leur union avec les déchets. A côté quelques commerçants vendent leurs marchandises. Des enfants jouent parmi les déchets qui dominent jusqu’au terrain de foot voisin. A première vue, les êtres humains semblent cohabiter en harmonie avec les ordures formant une scène presque circassienne. Cependant les fossés environnants sont infectés de moustiques et insectes d’autres espèces. Les déchets proviennent des familles vivant dans le milieu mais aussi et principalement des commerçants. On y retrouve : des légumes variés avariés et des écailles de poissons envahissant le lieu et polluant l’atmosphère. Contrairement à Badialan, ici, les gens ne se cachent pas, les ordures sont jetées en plein jour.
Dans le ciel flotte un drapeau national, le patriotisme s’arrête là semble-t-il, rien à voir avec le civisme. Car bien que public, le lieu est utilisé de manière non règlementée par chacun. Un vieux kiosque Orange Money survit au milieu des déchets faisant face au groupe scolaire Karamago Sangaré où des jeunes jouent au basket. Les plus jeunes, en sortant de l’école, se frayent un chemin au milieu des déchets, et curieusement, personne ne semble se plaindre davantage. Mais ce n’est visiblement pas parce qu’on ne dit rien qu’on consent. Chef d’un atelier de soudure métallique, homme de taille, Ousmane Traoré, tout en écartant ses lunettes de soleil affirme « si je trouve un lieu plus confortable, je quitte ». Pour lui, ce qui aggrave le plus les choses et nuit à leur santé est la manie que les gens ont de brûler les ordures. Il est de ceux qui ont perdu espoir et ne croient plus aux promesses faites par le gouvernement « Ils sont venus et ont vu l’état du lieu » rien n’y fait.
Une autre détresse environnementale se présente aux confins de la commune II, le long du second pont. Au marché de Dabanani, une scène choquante se dévoile. Des jeunes se soulagent dans les fossés, à la vue de tous, devant une circulation pratiquement impossible. La route est semée d’embûches, les véhicules slaloment entre déchets, herbes, et monticules de plastique. Les piétons galèrent à se trouver une échappatoire, des cartons et bidons jonchent le sol, transformant Dabanani en un véritable labyrinthe pour les marchandes qui vaquent à leurs achats au cœur de ce chaos.
À la mairie de la commune III, une première visite révèle l’absence du maire, elle serait à un événement, une seconde « Elle vient entre 16h et 17h » affirme son secrétaire. Pendant ce temps, le chargé de l’environnement est en déplacement en Côte d’Ivoire pour suivre la CAN. Une réalité qui rappelle tristement, la célèbre phrase « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » du président français Jacques Chirac.
B. BOCAR
Stagiaire