Neuf années se sont écoulées depuis que l’armée française a foulé le sol malien pour repousser une vaste offensive jihadiste venue du Nord pour fondre sur Bamako. L’opération Barkhane a fait long feu.
« Nous avons gagné cette guerre », proclamait François Hollande, président français, en 2013 à Bamako. Quelques mois auparavant, les autorités maliennes avaient sollicité l’aide de la France pour contrer la progression des groupes jihadistes qui occupent le nord du Mali. Quand l’armée française arrive au Mali, c’est l’effusion de joie.
Lors d’une visite éclair, le président français est accueilli en libérateur. Sur la place de l’Indépendance à Bamako, le 2 février 2013, le président malien par intérim Dioncounda Traoré remerciait alors chaleureusement François Hollande.
Acclamé par la foule, salué en « héros », le discours du président français sur cette même place de l’Indépendance le samedi 2 février 2013, restera comme le temps fort de sa visite au Mali : « Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique. Parce qu’à un moment, une décision doit être prise. Elle est grave, elle engage la vie d’hommes et de femmes, je l’ai prise au nom de la France », clame-t-il à la tribune, sous les vivas. La France et le Mali se battent ensemble, « en fraternité », a-t-il dit.
Difficile alors d’imaginer que la plus grande opération extérieure française se solderait par un départ du Mali dans un tel climat de défiance. Barkhane, qui a payé un lourd tribut avec 53 morts, a pourtant toujours été efficace à l’aune de son mandat. Chargée dans un premier temps de contenir la poussée jihadiste, elle a permis d’éviter la création d’un califat territorial.
Un an et demi après son lancement, en 2014, Serval devient Barkhane, un dispositif régional qui associe la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.
L’arrivée de Wagner achève la rupture
Mais la menace terroriste n’a pas disparu dans la zone des trois frontières, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Lors du sommet de Pau en janvier 2020, le président Macron décide d’envoyer des renforts et de porter la force à plus de 5000 hommes. L’État islamique au Grand Sahara est alors désigné ennemi numéro 1. A l’été 2021, Adnane Abou Walid al-Sahraoui, le chef de l’EIGS, est neutralisé par une frappe aérienne. Abdelmalek Droukdel, chef du groupe rival Aqmi, est éliminé de la même façon en juin 2020.
Grâce aux partenariats militaires opérationnels, Barkhane a aussi permis une montée en gamme des forces armées maliennes. Mais les succès tactiques ne font pas une victoire. L’État malien n’a jamais réellement pris pied au nord du Mali, laissant le champ libre notamment aux groupes jihadistes, à l’instar du Jnim de Iyad Ag Ghali.
En juin dernier, le président français annonce une réorganisation de l’opération Barkhane, le plus gros déploiement de militaires français à l’étranger : quelque 25 000 soldats internationaux sont à ce moment déployés au Sahel, dont environ 4300 Français. Ils sont 2400 au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane. Il annonce également le départ des soldats français de trois bases du Mali.
Les choses s’accélèrent ces dernières semaines avec une escalade verbale entre les autorités françaises et maliennes et l’expulsion de l’ambassadeur de France à Bamako. Le tout sur fond de sentiment anti-français croissant au Sahel et, plus récemment, de l’arrivée des mercenaires russes de Wagner à la faveur d’un nouveau régime militaire à Bamako.
Et c’est bien l’arrivée sur le terrain malien de cette société de sécurité privée directement liée au Kremlin qui a précipité la rupture. C’est en septembre, que fuitent les premières informations sur une négociation entre les autorités maliennes et le groupe Wagner. Des rumeurs prises tout de suite au sérieux par les autorités françaises. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian annonce alors la couleur : « Wagner est une milice privée qui s’est illustrée par des exactions. C’est absolument inconciliable avec notre présence. »