La 15e Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification s’est ouverte lundi 9 mai à Abidjan, pour onze jours de négociations entre les représentants de 196 Etats. Les questions portent sur lutte contre la désertification et la dégradation des terres, qui progressent actuellement. Le Cirad y apporte notamment son expertise sur l’agroécologie et l’intégration du pastoralisme.
Petite sœur des COP climat et biodiversité, la COP désertification bénéficie d’une bien moindre mobilisation politique et médiatique. Les questions qu’elle soulève sont pourtant tout aussi primordiales, comme le rappellent Alexandre Ickowicz et Eric Scopel, chercheurs au Cirad et membres du Comité Scientifique Français de la Désertification (CSFD) : « Les zones touchées par la désertification réunissent l’ensemble des enjeux des trois conventions de Rio*. L’avancée du désert en zones arides profite de la dégradation des ressources, qui est une combinaison entre des aspects climatiques et la dégradation de la biodiversité et des sols, causés par l’action humaine. »
Les scientifiques du Cirad notent ainsi un tournant récent dans l’agenda politique de la convention désertification : celle de l’ajout du concept de « dégradation des terres ». « Les politiques ont pris conscience qu’il existait un gradient entre zones désertiques et zones non désertiques, expliquent-ils. Il ne s’agit plus simplement de mettre une barrière d’arbres entre deux zones bien définies. »
Associer les productions animales et végétales pour stabiliser l’avancée du désert
L’élargissement du débat autour de la dégradation des terres a notamment permis de remettre les questions agricoles au cœur des négociations. Actuellement considérée comme la principale cause de dégradation de la qualité des sols, l’agriculture peut aussi être première source de solutions, « à condition d’adopter des principes agroécologiques » soulignent les scientifiques.
A titre d’exemple, les chercheurs citent leurs travaux sur les systèmes pastoraux sahéliens, en équilibre depuis des millénaires avec leur milieu et dans des zones pourtant hostiles aux activités humaines : « Dans les régions où les précipitations sont à moins de 200 mm de pluie par an, le pastoralisme est la seule forme d’agriculture viable, indique Alexandre Ickowicz. Une culture demande au minimum 200 à 300 mm de pluie par an, sauf à compter sur l’irrigation, qui repose sur des réserves fossiles non durables et dont la technologie coûte souvent cher. »
Contrairement aux idées reçues, ces systèmes pastoraux peuvent être neutres en carbone. Ils assurent par ailleurs, grâce à la mobilité des animaux, un rôle de transfert de fertilité indispensable pour les sols et les cultures en périphérie des zones arides tout en réduisant le besoin en engrais chimiques. « En associant élevages et cultures, on stabilise la production végétale dans ces zones moins désertiques, appuie Eric Scopel. On réintègre de la biodiversité et on recrée un équilibre qui nous permet de reprendre le contrôle sur le désert. » D’un facteur de dégradation, l’agriculture devient ainsi un outil tampon par lequel il est possible de lutter contre l’avancée du désert.