Le Mali affiche l’un des taux de malnutrition aiguë les plus élevés d’Afrique de l’Ouest. Avec 40 millions d’hectares de terres arables, la plus grande capacité d’irrigation de la région du Sahel (560 000 hectares) ; et 300 jours d’ensoleillement par an, le Mali doit miser sur le secteur agricole pour lutter contre la malnutrition et la pauvreté.
De nouvelles politiques de développement agricoles permettraient au pays d’anticiper l’impact prévisible des changements climatiques sur la productivité du bétail et des cultures. Si l’agriculture et l’élevage occupent une place prépondérante dans l’économie du Mali, le pays affiche pourtant des taux de malnutrition aigüe, et de pauvreté en milieu rural, parmi les plus élevés d’Afrique. En 2015, il se classait également au 179e rang sur 188 pays du classement des Nations unies sur l’indice de développement humain. Un paradoxe expliqué par la faible productivité du secteur agricole dans son ensemble.
Les points forts de l’économie malienne résident dans ses secteurs agricoles, céréaliers et cotonniers, ainsi que le secteur minier dont les potentialités restent faiblement explorées et exploitées. La dynamique nouvelle à impulser aux entreprises est le levier du processus de transformation de l’économie à travers sa diversification, le développement des infrastructures de base et son industrialisation. Parcouru par deux grands fleuves, le Niger long de 4 184 km (le 3e d’Afrique et le 9e au monde) et le Sénégal long de 1 750 km, le Mali dispose d’importantes ressources en eau dont le potentiel est estimé à environ 148 milliards de m3 contre des besoins annuels estimés à 6,12 milliards de m3, soit seulement 4% du potentiel. Le taux de renouvellement annuel est de 66 milliards m3.
L’agriculture et l’élevage représentaient 37% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2015, soit 63% de l’emploi total (86% de l’emploi dans les petites localités de moins de 5 000 habitants) mais la productivité agricole reste très faible en raison de la prédominance de l’agriculture pluviale, de la dégradation des terres, de pertes élevées après la récolte, de la faible transformation et du manque d’investissements privés.
Où va alors l’argent alloué à l’agriculture ?
Avec de telles potentialités, le Mali pourrait raisonnablement ambitionner de devenir une puissance agricole (« grenier de l’Afrique »). Et la volonté politique existe. Le Mali est l’un des rares pays africains qui consacre depuis plusieurs années 15% de son Budget d’Etat au secteur agricole.
« Le Mali consacre environ 15 à 18% de ses dépenses publiques au secteur de l’alimentation et de l’agriculture, ce qui correspond environ aux deux tiers du financement total (public-privé) de ces secteurs, alors que dans les pays ayant réussi leur transformation agricole, le financement public ne représente qu’un tiers du financement total », a souligné Paul Noumba Um, directeur des opérations de la Banque mondiale au Mali, lors d’un séminaire le 9 décembre 2016, à Bamako.
En effet, 15 à 18 %, c’est entre 300 et 540 000 000 000, selon les années et si le budget est chiffré à 2000 ou 3000 milliards. Avec 270 milliards, on peut acheter 27 000 tracteurs bas de gamme (c’est à moins de 50 chevaux et leur kit de travail du sol).
Aussi, une accélération des aménagements hydroagricoles, une amélioration du système de gestion de l’eau, le développement de l’investissement privé et la promotion du partenariat public-privé dans l’agro-industrie sont nécessaires pour conforter cet engagement politique.
L’agriculture malienne est essentiellement de type pluvial. Or la saison des pluies dure entre 4 et 5 mois (mai – septembre). Or, le secteur agricole occupe 8 actifs sur 10 avec une domination des exploitations agricoles familiales et de l’élevage pastoral. Le pays est aussi très sensible au changement climatique (baisse de 20% de la pluviométrie en 40 ans) et a connu une succession d’épisodes de sécheresse depuis 1973.
Des chiffres à prendre avec des pincettes
En dépit de ces contraintes, officiellement, le Mali affiche un bilan céréalier satisfaisant. Il est l’un des principaux producteurs de céréales de l’Afrique de l’Ouest, en particulier le riz, le maïs, le mil et le sorgho, avec une production de 10 millions de tonnes réalisée lors de la campagne agricole 2018-2019,2020-2022 toutes céréales confondues.
Le Mali s’est classé premier en Afrique dans la production cotonnière avec 726 500 tonnes de coton en 2018.
Cependant le Mali ne sera pas autosuffisant alimentaire même en 2100, si des reformes ne sont pas prises et immédiatement.
A l’analyse des chiffres, le Mali a produit 2 millions tonnes de riz paddy, soit environ 700 000 tonnes de graines cultivée sur 400 000 hectares en raison d’un rendement de 5 tonnes/ha. D’après les statistiques de la Direction Nationale des Statistiques en 2006, les besoins étaient de 58 kilogrammes par personne et par an.
700 000 tonnes égales 700 000 000 kilos, soit à peine 33,333 kilos par personne. Même nous partons sur la base 50,1% de Maliens ont moins 15 ans et qu’on ne retienne 15 millions sur 21, 900 millions, nous obtenons 46,666 kilos par personne. Le déficit reste toujours, encore que certains analystes estiment à 70, voir 80 kilos par personnes et an dans les zones urbaines du Mali.
Selon certains chiffres officiels, le riz serait cultivé sur une superficie de 2 millions d’hectares, si cela était avéré, le Mali n’importerait plus cette céréale, même avec seulement un rendement de 2 tonnes /ha.
Pour Ethel Sennhauser, directrice principale du pôle de compétences agriculture de la Banque mondiale, qui s’était rendue à Bamako afin d’effectuer des visites de terrain et participer au séminaire, le 9 décembre 2016, à Bamako. « Transformer l’agriculture et l’élevage au Mali est un impératif qui permettra de répondre au double défi démographique et climatique. ».
Ethel Sennhauser constate en effet que la demande en aliments de qualité augmente sans cesse, en raison du taux de croissance démographique élevé (+3,2% par an) et de l’urbanisation (+4,7% par an), alors que le taux de prévalence de malnutrition aiguë globale (estimé à 12,4 % en 2015) était déjà supérieur ou proche du seuil « critique » de 10 % entre 2011 et 2015. Par ailleurs, le Mali, à l’instar des autres pays de l’Afrique de l’Ouest, est très vulnérable au réchauffement climatique, et sa production de maïs, sorgho, mil de doigt, arachide et bananes devrait diminuer significativement (> 10%) d’ici 2050.
Selon un adage populaire, un Etat qui n’arrive pas à nourrir sa population, n’est pas souverain. Les nouvelles autorités n’ont pas le choix, il faut investir massivement dans l’agriculture de précision, avec des hommes nouveaux, pour des résultats probants à l’horizon 2027.
Des filons mal encore inexploités ou simplement mal gérés
Sur le plan économique, le Mali dispose des potentialités minières exceptionnelles. Selon la Banque de France, le pays possède près de 1 million de km² de bassin sédimentaire, d ’ i m p o r t a n t s gisements de gaz et d’uranium, plus de 2 milliards de tonnes de réserves en minerai de fer, des réserves de bauxite estimées à 1,2 milliard de tonnes et des réserves de manganèse de plus de 20 millions de tonnes. Avec 45,9 tonnes d’or produites, l’exportation de l’or a rapporté 856,9 milliards de FCFA 2018-2019, confortant ainsi le Mali dans sa place de 3e producteur africain de métal jaune, derrière l’Afrique du Sud et le Ghana.
Dans le domaine pétrolier et gazier, les travaux ont permis de révéler cinq bassins sédimentaires prometteurs. Enfin, un important potentiel existe en termes d’énergies renouvelables (solaire, hydroélectrique, éolien). Il s’agit pour le Mali d’explorer les possibilités pour l’exploitation de ces ressources afin d’accroître leur contribution à l’économie.
Les finances broyées entres les mâchoires de mal gouvernance
Le miracle viendra-t-il d’Assimi Goïta ?
En termes de gouvernance, hormis une expérience démocratique prématurément interrompue en 2012 et relancée un an plus tard, encore rectifiée en 2021 et en dépit d’importants moyens mobilisés pour lutter contre la corruption, les résultats restent très mitigés. Selon le Rapport « Global Corruption Barometer-Africa » de Transparency International, sur 180 pays classés par rapport à la maîtrise de la corruption, le Mali occupe le 122ème rang en 2017 et le 120ème en 2018 dans le monde et 20ème sur 49 pays en Afrique. Le score est inférieur à celui de 2012 avec un taux de près de 6%. Pour le FMI, la gouvernance et la lutte contre la corruption demeurent problématiques au Mali. Selon Worldwide Governance Indicators, la plupart des indicateurs de gouvernance du Mali sont en recul ces dernières années. Selon les citoyens maliens, la note de perception de la corruption publique au Mali est de 32/100 (zéro étant la note la plus faible). Il existe également une forte impression de corruption du système judiciaire et d’application arbitraire des lois et des contrats. Selon le baromètre mondial de la corruption 2019, six Maliens sur dix pensent que la corruption a progressé au cours des douze derniers mois. Ils étaient deux fois moins nombreux en 2015.
Il faut donc un sursaut national pour combattre la corruption au Mali. Il s’agit de mesures nécessaires voire indispensables qui seront douloureuses pour certaines, onéreuses pour d’autres, mais sacrificielles pour tous afin de ramener, définitivement, la gouvernance dans le cercle vertueux. L’objectif est de promouvoir la vertu, l’éthique et la déontologie.
La détérioration de l’environnement est le résultat d’un ensemble de phénomènes complexes qui sont d’abord d’ordre climatique (sécheresse, variabilité de la pluviométrie ayant fragilisé l’écosystème), ensuite liés aux activités humaines (forte pression démographique, systèmes de production extensifs et inadaptés, feux de brousse, etc.). Selon la Direction nationale des eaux et forêts (DNEF), plus de 100 000 ha de forêts disparaissent chaque année.
En outre, les conditions de vie précaires des populations et leur faible implication dans la protection de l’environnement impactent également la gestion durable des ressources naturelles. La forte croissance démographique (3,6%) exerce une pression forte sur les terres cultivables et les ressources forestières. Les superficies consacrées aux cultures pluviales tendent à s’accroître au détriment des écosystèmes naturels. L’agriculture est pratiquée de façon non durable. La priorité donnée à l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables, notamment aux mines d’or, pourrait accroître les risques environnementaux connexes.
Au regard de la dernière évaluation, le Mali a n’a pas connu des réels progrès le score étant resté négatif. Il est passé de 2 à 2.18.
Abdou Karim Dramé Journaliste indépendant, analyste des Enjeux et Innovations de Développement, chercheur sur les Stratégie de Croissance Accélérées.