
Premier édito de Norbert Zongo soit l’Edito N° 00… du 03 Juin 1993 paru dans son journal l’Indépendant. Il est tellement bien rédigé à mon avis et semble intemporel.
Bonne lecture.
_« Les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur.
Deux illustres et malheureux exemples de l’heure peuvent être cités en la matière : le Zaïre et le Togo. Ces peuples, subjugués et gémissant sous la férule de tyrans militaires ont malheureusement leur part de responsabilité dans le drame qu’ils vivent._
_En Afrique, la compromission des peuples s’effectue à 3 niveaux :_
Le 1er niveau est constitué d’intellectuels opportunistes qui se servent de leurs connaissances livresques pour aider les dictateurs à donner un contour idéologique et politique à leur tyrannie…
_Le tyran peut voler, tuer, emprisonner, torturer… il sera défendu, intellectuellement réhabilité par des « cerveaux » au nom de leurs propres intérêts. Résultat : la plupart de ces intellectuels finissent par s’exiler, ou sont froidement exécutés ou « se suicident » en prison. Les plus heureux sont ceux qui sont dépouillés de leurs biens et de leurs privilèges avant d’être jetés en pâture au peuple… Un tyran n’a pas d’amis éternels._
Le 2ème niveau est constitué par les opposants de circonstance.
_Ils se battent et entraînent des hommes sincères avec eux avant de rejoindre l’ennemi d’hier, avec armes et bagages, surtout avec la liste des opposants sincères. Résultat : ils bénéficient des grâces du tyran pendant quelques temps avant d’être éjectés, emprisonnés ou tués… Un dictateur n’a confiance en personne, surtout pas en un ancien opposant._
Le 3ème niveau est constitué des « indifférents ».
_Les « pourvu que », la pure race des égoïstes myopes (pourvu que mon salaire tombe, pourvu que je n’aie pas d’ennuis, pourvu que rien n’arrive à ma famille…). Comme nous le disait un brave ami togolais dans les années 1980 : « pourvu que les bateaux continuent de venir au port, Eyadema peut faire ce qu’il veut. On le laisse avec DIEU » – notre ami est actuellement réfugié à Cotonou et les bateaux mouillent toujours au large de Lomé._
Résultat : personne n’échappe à une dictature lorsqu’elle s’installe dans un pays.
_Comme le dit la sagesse populaire, chaque peuple a le régime qu’il mérite. Et chaque compromission avec une dictature est toujours payée au prix fort. La règle ne souffre pas d’exception._
Norbert ZONGO, « le sens d’un combat »,in L’Indépendant, « Edito N° 00… du 03 Juin 1993.
Bonne méditation.