Texte (pseudonymisé)
SECTION JUDICIAIRE
2ème CHAMBRE CIVILE
POURVOI N°68 du 13 Février 2020
ARRET N°306 du 09 Août 2021.
NATURE : Expulsion et démolition intérêts. REPUBLIQUE DU MALI
Un Peuple-Un But-Une Foi
sous astreinte et de dommages-La Cour Suprême du Mali a, en son audience publique ordinaire du Neuf Août Deux Mille Vingt et Un à laquelle siégeaient :
Monsieur Fatoma THERA, Président de la Section Judiciaire de la Cour Suprême, Président ;
Monsieur Youssouf FOFANA, Conseiller a la Cour, membre ;
Monsieur Hamidou Banahary MAIGA, Conseiller à la Cour, membre ;
En présence de Monsieur Cheick Mohamed Chérif KONE,
Avocat Général près ladite Cour, occupant le banc du
Ministère Public ;
Avec l’assistance de Maître Souleymane SAMAKE, Greffier ;
Rendu l’arrêt dont la teneur suit
Sur le pourvoi de Maître Cheick Sidi Békaye MANGARA, Avocat inscrit au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de l’Agence de Promotion Immobilière A et Fils sise à Ac Ab, demanderesse d’une part ;
Contre : l’Arrêt N°930 du 02 Octobre 2019 de la Chambre
Civile de la Cour d’Appel de Bamako et Monsieur Ad B, Docteur en électrochimie, de nationalité malienne, domicilié à Boulkassoumbougou, rue 700, porte 125
Bamako, ayant pour Conseil, le Cabinet Goït’as, inscrit au
Barreau du Mali, défendeur, d’autre Part.
Sur le rapport de Monsieur Hamidou Banahary MAIGA,
Conseiller à la Section Judiciaire de la Cour Suprême et les conclusions écrites de l’Avocat Général Abdoulaye A TRAORE et orales de l’Avocat Général Cheick Mohamed
Chérif KONE.
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;En la forme
Suivant déclaration de pourvoi en date du 07 février 2020 et par acte de pourvoi n° 68 en date du treize février 2020 du greffe de la cour d’appel de Bamako, Maître Cheick Sidi Békaye MANGARA Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de sa cliente Agence de Promotion Immobilière A et Fils SARL dont le siège est à Ac Ab, s’est pourvu en cassation contre l’arrêt n° 930 du 02 Octobre 2019 rendu par la Chambre civile de la cour d’appel de Bamako dans une instance en Expulsion et démolition sous astreinte et dommages-intérêts qui l’oppose à Ad B ayant pour conseil GOÏTA’S, tous avocats à la cour ; arrêt signifié le 30 janvier 2020 par le ministère de Maître Adama DIAKITE huissier-commissaire de justice Bamako ;
Le certificat de dépôt n° 325 en date du Dix-sept avril 2020 délivré par le Greffier en chef de la Cour Suprême atteste du paiement de la consignation. La demanderesse au pourvoi sous la plume de son conseil Maître Cheick Sidi Békaye MANGARA Avocat à la Cour a produit un mémoire ampliatif enregistré sous le numéro 1942 à la date du 15 juin 2020 par le Greffe de ce siège ; ledit mémoire a été notifié au conseil de Ad B qui a produit un mémoire en défense ;
Il résulte de ce qui suit que le recours (pourvoi) a satisfait aux exigences de la loi et par conséquent, doit être déclaré recevable en la forme ;
II- AU FOND : Rappel succinct des faits et de la procédure
Il résulte de la lecture des pièces du dossier que :
Le sieur Ad B propriétaire d’une parcelle de terrain sise à Af objet du titre foncier n° 29858 en date du 13/12/2007 du cercle de Kati, après avoir morcelé ladite parcelle aurait été surpris de constater que la même parcelle a fait l’objet d’un morcellement par la Mairie de la commune VI du District de Bamako pour ensuite être cédée à des tiers par l’entremise d l’agence de Promotion Immobilière A et Fils SARL; que pour la sauvegarde de ses droits, Ad B saisit le tribunal de grande instance de la commune VI du District de Bamako d’une assignation aux fins d’expulsion, de démolition sous astreinte et de demande de dommages-intérêts qui fut instruite et jugée suivant décision n° 176 du 07 mars 2018 dont le dispositif est ainsi conçu: Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en premier ressort, en la forme : reçoit l’assignation comme régulière ; au fond : la déclare bien
fondée et justifiée et y faisant droit ; ordonne l’expulsion de la Mairie de la Commune VI du District de Bamako et de l’Agence de Promotion Immobilière A et Fils, tant de leur personne que de leurs biens ainsi que de tous occupants de leur chef de la parcelle de terrain d’une superficie de 05 ha 00a 00 ca, sise à Af, objet du Titre Foncier n° 29858 en date du 13/12/2007 du cercle de Kati ; ordonne purement et simplement la démolition à leurs frais des constructions illégales effectuées sur la parcelle litigieuse sous astreinte de 3.000.000 F CFA par jour de retard ; condamne la Mairie de la Commune VI du District de Bamako et l’Agence de Promotion Immobilière A et FILS au paiement de 50.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts ; condamne les défendeurs aux dépens » ; Qu’appel ayant été relevé du jugement ci-dessus visé, la chambre civile de la cour d’appel de Bamako, suivant arrêt n° 930 en date du 02 octobre 2019 confirmait la décision entreprise ;
Que c’est cet arrêt qui nous préoccupe ;
III- Présentation des moyens du pourvoi
Le demandeur au pourvoi invoque au soutien de son recours un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi ;
Moyen unique tiré de la violation de la loi
En ce que, l’article 474 du CPCCS du Mali dispose : « le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la demande est portée. » ;
Attendu qu’au cours de la procédure de mise en état devant la cour d’appel de Bamako il a été constaté que ni la Mairie de la Commune VI du District de Bamako ni l’Agence Immobilière A et Fils n’avaient pas comparu ni été représentées.
Que cette absence des appelants qui a été constatée devait avoir des conséquences juridiques indéniables à savoir que l’arrêt à intervenir devrait être rendu par défaut et non contradictoire.
Qu’en rendant un arrêt contradictoire dans cette affaire, la chambre civile de la cour d’appel de Bamako les dispositions de l’article 474 du CPCCS du Mali.
Qu’en conséquence, la chambre de la section judiciaire de la cour suprême censurera à bon droit l’arrêt déféré ;
Par ces motifs, il conclut, en la forme, recevoir le pourvoi comme régulier, au fond, casser et annuler l’arrêt n° 930 du 02 Octobre 2019 de la cour d’appel de Bamako avec toutes les conséquences de droit ; renvoyer la cause et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée, ordonner la restitution de l’amende de consignation.
Que Maître Moussa GOITA, assurant la défense des intérêts de Ad B a dans son mémoire en défense conclu au rejet du pourvoi de la demanderesse comme étant mal fondé ;
SUR QUOI
IV- Analyse du moyen unique
Attendu que la violation de la loi est un des cas d’ouverture à pourvoi aux termes de l’article 88 de la loi n° 2016-046 du 23 septembre 2016 portant Loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la cour suprême et la procédure suivie devant elle ;
Attendu que la cour suprême exerce son contrôle en cas de violation de la loi, laquelle se réalise soit par fausse interprétation de la loi, soit par fausse qualification des faits, soit par fausse application ou refus d’application de la loi (Marie-Noëlle Jobard-Bachellier- Ae Aa, « La Technique de cassation », Dalloz, 7° édition 2010, page
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 474 du Code de procédure civile commerciale et sociale en ce qu’il est qualifié à tort de contradictoire alors qu’il serait de défaut au motif que ni la Mairie de la Commune VI du District de Bamako, ni l’Agence de Promotion Immobilière A et FILS n’ont comparu et n’étaient non plus représentées lors des audiences de la mise en état devant la cour d’appel ;
Attendu que même si les dispositions de l’article 474 du CPCCS posent le principe du caractère contradictoire du jugement avec la comparution des parties en personne ou par mandataire, il n’en demeure pas moins que l’article 475 alinéa 1° du même code tempère ledit principe en disposant
que : «Si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf, la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure. » ;
Que de l’analyse des pièces du dossier dont notamment, les exploits de citation en date du 05 juin 2019 et du 20 juin 2020 de Maître Adama DIAKITE Huissier- commissaire de justice dans le ressort judiciaire de la cour d’appel de Bamako, servis à la requête de l’intimé aux appelants, ces derniers, qui sont les demandeurs de l’appel, après avoir consigné, non seulement, n’ont pas comparu encore moins conclu ainsi qu’il ressort de l’ordonnance de clôture en date du 30 juillet 2019 qui sanctionne la procédure de la mise en état suivie devant la cour d’appel de Bamako dans l’affaire qui oppose l’Agence de Promotion Immobilière A et Fils et la Mairie de la Commune VI du District de Bamako ( appelants ) et Ad B (intimé) ;
Que la demanderesse au pourvoi n’a pas non plus justifié le motif légitime de son absence aux différentes audiences de la procédure de mise en état devant la cour d’appel de Bamako et à la requête de son adversaire, en application des dispositions de l’article 475 du Code de procédure civile commerciale et sociale ;
Qu’en se déterminant ainsi qu’il ressort de l’analyse des motivations de Jl’arrêt déféré et selon lesquelles « Considérant que les appelants n’ont pas daigné conclure pour exposer les moyens de leur appel (…sic…) », les juges d’appel en tirant les conséquences de la non comparution et du défaut de dépôt de conclusions de la demanderesse au pourvoi lors de la procédure de mise en état, qui ne sont justifiées par aucun motif légitime, le motif légitime s’entendant comme tout événement imprévisible qui prive le sujet de l’utilisation normale d’un service donné, en dépit des multiples réitérations, ont pu en déduire le caractère contradictoire de l’arrêt déféré et par conséquent ont fait une application correcte de la règle de droit appropriée ;
Que la preuve de la carence de la non comparution et de la non production des écritures de l’Agence de Promotion Immobilière A et Fils SARL dans le cadre d’une procédure contradictoire n’étant pas rapportée, son absence aux débats ne saurait justifier le grief de violation de la loi dont elle se prévaut sur le fondement de l’article 474 du CPCCS contre l’arrêt déféré ;
Qu’il s’ensuit que le moyen invoqué par la demanderesse au pourvoi ne pouvant prospérer, il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au Fond : Le rejette comme mal fondé ;
Ordonne la confiscation de l’amende de consignation ;
Met les dépens à la charge de la demanderesse.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
Source : Mali, Cour suprême, 09 août 2021, 306 (juricaf.org)
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