Le Ministre de la Refondation de l’Etat chargé des Relations avec les Institutions, M. Ibrahim Ikhassa Maïga a présidé lundi 11 Décembre 2023, à l’Ecole de Maintien de Paix Alioune Blondin Beye (EMP-ABB), l’ouverture des travaux de la 15ème édition du symposium national sur les droit de l’homme au Mali. Cette importante rencontre est organisée par la Commission Nationale des Droits de l’Homme, en collaboration avec ses partenaires, le Fonds d’Appui aux Moteurs du Changement (FAMOC) de l’Ambassade Royale du Danemark, le Centre de Genève pour la gouvernance du Secteur de la Sécurité (DCAF) et le PNUD. C’était en présence du directeur général de L’EMP-ABB, Col. Major Souleymane SANGARE, du Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH ), Aguibou Bouaré, du chef de bureau DCAF-Mali, M. Oswald PADONOU, de la chargée d’affaires de l’ambassade du Mali au Royaume des Pays-Bas Mme Sonja KUIP, et ainsi que plusieurs acteurs des droits de l’homme au Mali.
L’objectif général de cette 15ème édition du symposium est de faire l’état des lieux de la situation des droits de l’Homme au Mali, de partager les bonnes pratiques et perspectives, à travers un regard croisé, pour le respect des droits humains, dans un contexte de crise multidimensionnelle.
Spécifiquement, il s’agira de : réfléchir sur la place des droits humains dans la Constitution du 23 juillet 2023: interroger le cadre légal d’indemnisation des victimes de conflits armés au Mali échanger sur la protection des libertés publiques en période de crise: capitaliser les acquis et partager les bonnes pratiques en matière de promotion et protection des droits humains; débattre les enjeux et les défis du retrait de la MINUSMA sur les droits de l’Homme
Il faut d’abord rappeler que le Sahel est devenu un espace stratégique dans la politique internationale pour divers acteurs les puissances extérieures, les multinationales, les réseaux de tout genre etc. et regain d’intérêt géostratégique permet à la région sahélienne d’être un espace pivot vers d’autres régions du continent dans la mesure où la bande sahélienne relie l’océan atlantique à la mer rouge. En l’espace de plus d’une décennie, le Sahel est devenu l’une des zones les plus dangereuses du monde. L’insécurité dans la zone est un problème régional qui impacte la stabilité et le développement des pays du Sahel et principalement les droits humains. Ces droits humains constituent un idéal politique fondé sur des valeurs communes à tous les peuples, indépendamment de leurs différences culturelles, politiques, sociales et économiques. Leur respect est gage de paix durable, de stabilité politique et de développement économique, social et culturel. Outre la promotion et la protection, les pouvoirs publics ont l’obligation de respecter et de faire respecter les droits de l’Homme consacrés par des instruments juridiques internationaux auxquels le Mali a souscrit. Cela requiert de l’Etat d’entreprendre des mesures visant à former, à informer et à sensibiliser davantage les populations sur leurs droits. La protection et la promotion des droits de l’Homme, en particulier dans un contexte de crise marqué par la recrudescence des violences et la détérioration de la situation sécuritaire, reste un défi majeur. Les populations continuent d’être victimes d’attaques et des violences perpétrées par des groupes armes terroristes. Cette situation malheureuse a provoqué la fermeture de milliers d’écoles et des déplacements massifs et continus des populations. Cette situation en plus de constituer une violation des droits de l’Homme favorise un climat délétère.. Depuis 2012. le pays traverse une crise multidimensionnelle suite à l’éclatement de la quatrième rébellion touarègue; une crise sanitaire depuis mars 2020 suite à la pandémie mondiale de Covid-19 et une transition politique depuis la rupture de l’ordre constitutionnel intervenue en août 2020, puis en mai 2021. Cette crise multidimensionnelle a généré des problèmes particuliers dans le pays et exacerbé les problèmes structurels déjà présents au Mali et ailleurs dans la région.
Force est de constater que la célébration de la Journée des droits de l’Homme 2023, la Journée Internationale des Droits de l’Homme est célébrée chaque année le 10 décembre, jour d’anniversaire de l’adoption en 1948 par l’Assemblée Générale des Nations Unies de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, un document fondateur qui a proclamé les droits inaliénables de chaque individu en tant qu’être humain, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) participe chaque année à la célébration de cette Journée importante, notamment à travers la tenue d’un symposium national sur la situation des droits de l’Homme au Mali. C’est dans cette dynamique qu’elle a organisé ce symposium national sur les droits humains.
Dans son intervention, le Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, M. Aguibou Bouaré a rappelé que le présent forum s’inscrit dans le cadre de la célébration de la date anniversaire de l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du mois des droits de l’Homme (DUDH).
« Il vous souviendra, qu’un 10 décembre de l’an 1948, afin que l’humanité se souvienne et ne connaisse plus les horreurs de la guerre, suite aux deux guerres mondiales, de fortes personnalités du monde ont décidé d’adopter un instrument juridique à forte valeur morale consacrant les droits universels, inaliénables, indivisibles, interdépendants, et inhérents à la personne humaine, d’où tout le sens et la légitimité d’un tel symposium », a-t-il déclaré.
Il a signalé que le notre pays peut donc être cité, à défaut d’être la Patrie, parmi les Patries des droits humains. Il a aussi rappelé que les droits humains ne sont pas une faveur ou une œuvre de charité que l’Etat accorde à une personne résidant sur le territoire national. Leur respect demeure une obligation, en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances, conformément à la réglementation, à la charge de l’Etat.
Ce dernier doit donc respecter lui-même et faire respecter par les autres lesdits droits.
Dans la même veine, l’Etat doit lutter contre toute forme d’impunité en luttant contre les abus et violations des droits de l’Homme, quel qu’en soit les auteurs, le lieu et le moment de commission. Il a ajouté que la CNDH salue les efforts du Gouvernement pour la protection des droits de l’homme malgré le contexte sécuritaire volatile.
Selon le Président Bouaré, la CNDH se veut la sentinelle que la loi charge non seulement de veiller au respect des droits humains mais également de conseiller l’Etat en vue d’un meilleur respect et une meilleure protection des mêmes droits.
Sous l’un des serments les plus solennels prêté devant la Cour suprême, les Commissaires de la CNDH s’acquittent de ce sacerdoce avec impartialité, professionnalisme et objectivité.
Cette objectivité nous engage à reconnaître les efforts déployés par les autorités dans notre fonctionnement régulier, sans occulter les défis. Cela se traduit du reste clairement dans nos Rapports annuels. Il a cependant rappelé que des difficultés continuent de subsister quant à l’accès libre de la CNDH à certains lieux de privation de liberté, notamment au Centre de notre pays, singulièrement certaines brigades de gendarmerie dans la région de Mopti. « Ce genre d’entraves est de nature à contrarier l’exercice efficace du mandat légal de l’Institution Nationale des Droits de l’Homme »a-t-il déclaré.
Il n’a pas manqué de rappeler que
notre pays est confronté depuis une décennie à une crise multiforme d’une rare violence.
Elle s’accompagne hélas d’atteintes au droit à la vie, à l’intégrité physique, à la sécurité. La pratique de l’esclavage par ascendance et ses manifestations violentes et attentatoires à la dignité humaine perdurent dans notre pays, avec une persistance dans les Régions de Kayes, Kita, Nioro et Nara.
Les droits à la santé, à l’éducation, à la culture ne sont pas en reste, en termes d’abus et d’atteintes.
La CNDH continue d’enregistrer de nombreuses plaintes relatives aux arrestations et détentions arbitraires ainsi que des allégations de disparition forcée.
Des allégations d’atteintes à la présomption d’innocence, à la liberté d’expression et d’opinion sont également notifiées et dénoncées à l’Institution nationale des droits humains.
Il en est de même des plaintes relatives aux atteintes au droit à la vie privée, au secret de la correspondance, un droit constitutionnel, faut-il le rappeler ; mais aussi de nombreuses atteintes aux données à caractère personnel.
En ce qui concerne la Mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali, la MINUSMA, qui achèvera son retrait à la fin de ce mois, à la demande du Gouvernement, en application de la résolution 2690 (2023) du Conseil de Sécurité. Il a lancé
un appel pressant aux Nations Unies, à l’Union Africaine, à la CEDEAO et aux organisations internationales dont le Mali est parti à continuer de soutenir notre pays malgré le départ de la mission onusienne. « La protection des civils, l’assistance aux vulnérabilités et la protection des droits de l’Homme doivent demeurer au profit des populations, conformément à l’un des objectifs majeurs de toutes ces organisations internationales à savoir la promotion des droits humains » a déclaré le Président Bouaré.
Il convient de reconnaître que malgré leur résilience, les populations continuent d’être victimes de violations et d’abus des droits humains ; elles restent toujours particulièrement exposées.
Le nombre élevé des personnes déplacées internes et des réfugiés-es en est une illustration. Il a signalé également la surpopulation carcérale, la corruption en milieu carcéral, les mauvaises conditions d’hygiène, l’absence d’infirmerie dans la plupart des maisons d’arrêt de notre pays. Pour lui, cet état de fait continue de préoccuper gravement la CNDH. Quant à lui, le droit à l’éducation est sérieusement mis à rude épreuve en raison, notamment, de l’insécurité avec la fermeture des écoles privant ainsi de milliers d’enfants de leur droit fondamental à l’éducation. Le droit à la santé est également fortement atteint par des grèves récurrentes, les mauvaises conditions de travail de certains personnels de santé, l’insuffisance ou la mauvaise qualité du plateau technique par endroit.
Il a souligné que l’appui et l’accompagnement des partenaires techniques et financiers, à la CNDH, ont rendu ce symposium possible.
Alassane Cissé