Selon les résultats de l’inventaire forestier national, le Mali perd près de 100 000 ha de forêt chaque année. Avec une consommation d’un m3/Pers/an, le Mali pourrait connaitre un déficit en bois énergie, à partir de 2030. Sur les 32 millions d’hectares de forêts recensés en 2002, il ne reste qu’environ 17 millions. Un nouveau fléau est venu accentuer la désertification : le trafic de bois précieux vers la Chine. Un trafic frappé par la loi du silence.
Mai 2022. Il est 22 heures non loin d’une petite bourgade dans la région de Kita. Amadou Traoré, un jeune lanceur d’alerte, ne supportant plus « les bruits dans la forêt » et intrigué par les incessants voyages de remorques chargées de tronc d’arbres, fait des photos et lancent l’alerte. Il n’en fallait pas plus pour mettre à jour un trafic souterrain de bois de vène, déjà vieux de plusieurs années et mettant en péril, plus que les forêts maliennes, l’écosystème déjà fragile du pays.
« Ça m’a coûté mon poste ». Un ancien responsable d’une structure des Eaux et Forêts du Mali confirme l’existence du trafic de bois précieux au Mali « depuis des années ». « Quand vous tentez de vous opposer, c’est là où vous vous rendez compte que c’est tentaculaire. Il y a eu des rapports, des audits, des alertes, des mises en garde, mais, ça persiste », explique notre interlocuteur.
D’ailleurs, Amadou Traoré, celui qui a lancé l’alerte, a dû quitter le Mali, affirmant que sa vie est en danger.
Le Mali dispose de 112 forêts classées et périmètres de protection d’une superficie de 1.338.991 ha, soit moins de 1 % de la superficie de notre pays qui fait 1 240 000 km2. « Nos forêts classées font l’objet d’occupation anarchique entrainant leur dégradation. Les principaux facteurs de ces dégradations sont l’agriculture (le nomadisme agricole), la transhumance et la divagation d’animaux domestiques. Mais, la cause la plus grave, qui fait objet d’Omerta, de loi du silence, est le trafic de bois », explique encore notre interlocuteur.
Le bois qui fait l’objet de ce trafic a un nom : le bois de vène (Pterocarpus erinaceus), également connu sous le nom de “wengé” ou “vene”. C’est un arbre de 20 à 40 mètres de haut, de couleur rose, rougeâtre aux fleurs jaunes, qui a la particularité de se reproduire difficilement. Il a remplacé chez les parfumeurs et les ébénistes du monde, le bois de rose. L’essence de bois de rose venait exclusivement du Brésil, dans la forêt amazonienne. Cet arbre a été découvert par des botanistes en 1925.
L’association Robin des Bois s’est fait connaître dans la contestation de l’utilisation des bois tropicaux et dans la préservation des forêts tropicales. Cette association a lutté dès 1995 pour faire renoncer les grandes maisons de parfum à utiliser ce bois précieux dans le parfum.
Il a donc fallu trouver d’autres solutions pour remplacer ce bois de rose. Le bois de vène, au Mali, pousse dans des zones de Kayes, Koulikoro et Sikasso. « Le pillage concerne toutes ses zones », explique encore notre ancien responsable, toujours amère.
Le bois de vène est recherché pour sa qualité et sa couleur attrayante, ce qui en fait un matériau prisé dans l’industrie du bois, en particulier pour la fabrication de meubles, d’objets artisanaux et d’instruments de musique. Sa demande croissante a conduit à une exploitation excessive, mettant en danger les populations naturelles de bois de vène et entraînant des conséquences néfastes sur l’équilibre écologique et la biodiversité.
« Normalement, nous explique-t-on au ministère de l’Environnement, pour exploiter une forêt, il y a une procédure. Il faut s’entendre avec le village, donc présenter un document de consentement du village, présenter un plan de reboisement, préciser les espèces concernées, s’assurer que ces espèces ne sont pas sur la liste des bois en danger et dont la coupe est interdite, et surtout avoir un certificat Cites. Il y a beaucoup de faiblesses dans cette procédure », reconnaît notre interlocuteur.
Bois braconné
La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, Cites ou Convention de Washington, est un accord international entre Etats. Elle a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquels ils appartiennent. La Cites a été adoptée lors d’une réunion de représentants de 80 pays à Washington, le 3 mars 1973, le 1er juillet, la Convention entrait en vigueur.
Malgré les garde-fous, dans son rapport 2023, l’Agence d’Investigation Environnementale (EIA), tire la sonnette d’alarme pour ce qui concerne le trafic de bois précieux du Mali.
L’Environmental Investigation Agency (EIA) ou Agence d’Investigation Environnementale fait campagne pour prévenir les crimes contre la faune et l’environnement. Les enquêteurs de l’EIA travaillent sous couverture pour rassembler des films, des photos et des informations du monde entier. Les preuves qu’ils recueillent sont présentées aux médias, au gouvernement et aux décideurs politiques afin d’informer et de persuader que des mesures doivent être prises afin de protéger les espèces, les habitats et les écosystèmes vitaux de la planète.
Son rapport 2023, intitulé « Bois Braconné », porte principalement sur le Mali. L’EIA montre comment « le commerce illégal et non durable du bois de rose du Mali a alimenté la corruption, fait pression sur les communautés et a été utilisé pour faciliter le trafic d’ivoire entre l’Afrique de l’Ouest et la Chine ».
Les conclusions de l’EIA indiquent également que des permis d’exportation Cites non valides (auxquels manquent certaines informations essentielles) ont été couramment utilisés pour exporter du bois rose du Mali vers la Chine. Le commerce illégal de bois rose a également été un canal pour le trafic d’ivoire, facilitant notamment la contrebande de défenses d’éléphants du Gourma (Loxodonta africana) vers la Chine. Les populations d’éléphants du Gourma ont été décrites comme étant au bord de l’anéantissement. Selon le rapport de l’EIA, la violation de la loi malienne, qui interdit notamment l’exportation de grumes de Pterocarpus erinaceus, s’est prétendument appuyée sur des pratiques de corruption bien huilées qui impliqueraient des membres du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable et de l’administration forestière.
Le leadership des pays d’Afrique de l’Ouest et la dynamique de la Cites ont conduit AP Moller-Maersk, la plus grande compagnie maritime du monde, à prendre un double engagement immédiat : cesser de transporter les cargaisons de Pterocarpus erinaceus depuis le Mali et soutenir l’éventuelle interdiction régionale par des efforts accrus de diligence raisonnable. L’EIA attend avec impatience que la Mediterranean Shipping Company (MSC) et la Compagnie Maritime d’Affrètement-Compagnie Générale Maritime (CMA-CGM), les deux autres grandes compagnies qui seraient impliquées dans le transport de cargaisons de bois illégal en provenance du Mali, se joignent à cet effort.
Selon l’analyse de l’EIA, en avril 2022, de plus de 3 millions de tonnes et plus de 2 milliards de dollars de bois rose ont été commercialisé illégalement entre l’Afrique de l’Ouest et la Chine.
Avant la Cites et le rapport de l’EIA, le Bureau du vérificateur avait produit un rapport alarmant sur la question. En effet, le Végal avait mené une « vérification financière et de conformité qui porte sur la gestion de l’exploitation du bois au Mali au titre des exercices 2020 (1er avril au 31 décembre) et 2021 (1er janvier au 9 décembre) ».
124 conteneurs de bois de rose malien saisis
Cette vérification avait pour objectif de s’assurer de la régularité des opérations de gestion de l’exploitation du bois d’œuvre ou de sciage. Les travaux ont concerné l’examen des processus de délivrance de titres d’exploitation, de transport, d’exportation et des décisions prises pour leur encadrement.
« Le Directeur national des Eaux et Forêts détient illégalement les permis d’exportation Cites de quatre exploitants forestiers. Il ne leur a pas remis 64 permis d’exportation Cites qu’il a lui-même renouvelés en octobre 2021 sur la base de permis de coupe régulièrement délivrés avant la décision de suspension de l’exploitation du bois d’œuvre ou de sciage.
Le Secrétaire général du Ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable a favorisé une société exportatrice de bois au détriment de quatre autres. Il a demandé par lettre n°00317/MEADD-SG du 24 mai 2021 au Ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Promotion des Investissements d’autoriser ses structures à satisfaire aux requêtes d’intention d’exportation sur la base des permis d’exportation Cites délivrés avant la période de suspension et mis à jour par la Direction nationale des Eaux et Forêts. Cette mesure était limitative alors qu’une mesure générale de levée de suspension avait été ordonnée ».
Le Végal recommandait déjà au Ministre chargé de l’Environnement de « veiller au respect des procédures de suspension de l’exploitation du bois conformément à la réglementation en vigueur ; de motiver les décisions prises en matière de suspension de l’exploitation forestière et la poursuite devant les juridictions pour délivrance irrégulière de permis Cites à une société ; détention illégale de permis Cites de quatre exploitants forestiers et application limitative de la mesure générale de levée de la suspension d’exploitation du bois ».
Notre forêt est pillée au profit de la Chine. Haibing Ma, expert de politique asiatique pour l’Environmental Investigation Agency (EIA) basée à Londres, a déclaré à Voice of America : « Des trafiquants chinois, en collusion avec des hommes d’affaires et des autorités au Sénégal et au Mali, parviennent à exploiter les forêts maliennes en versant des pots-de-vin aux chefs de villages locaux ».
Le trafic de bois coupé au Mali serait principalement passé par le Sénégal, notamment par le port de Dakar. Selon la plateforme de protection des lanceurs d’alerte (PPLAAF), qui a financé un consortium de journalistes sénégalais, en août 2022, les autorités sénégalaises ont saisi 124 conteneurs de bois de rose malien. Le Mali serait parvenu à lever la saisie en invoquant une exception de la Cites. « Depuis, les trafiquants Maliens passent par la Mauritanie », soutient le consortium.
Les exportations maliennes de kosso vers la Chine se sont accélérées au premier trimestre 2017, lorsque l’inscription de l’espèce à l’Annexe II est entrée en vigueur. Les commerçants ont déclaré aux enquêteurs de l’EIA que l’exploitation du kosso au Mali a commencé de manière sporadique en 2012-2013 et s’est implantée dans le pays en 2014-2015, lorsque les pays voisins ont commencé à lutter contre le commerce illégal.
Les forêts où pousse naturellement le kosso au Mali sont situées dans les trois régions du sud, Kayes, Koulikoro et Sikasso. Selon les conclusions de l’EIA, les équipes d’exploitation forestière ont d’abord saccagé les forêts de Sikasso, Bougouni et Yanfolila, entre 2013 et 2015. Une fois que les arbres commerciaux se sont raréfiés, l’exploitation s’est déplacée vers les zones forestières de Koulikoro, Kita et Kangaba de 2015 à 2018. Depuis 2018, les équipes d’exploitation forestière se sont concentrées sur les dernières populations sauvages de kosso subsistantes situées dans les régions maliennes voisines de la Guinée et du Sénégal, notamment Kéniéba, Zones forestières de Didjan et Fadougou.
Des acteurs de l’ombre
Le commerce aurait entraîné le déclin des populations de kosso dans diverses régions forestières du sud du Mali. Le commerçant chinois connu localement sous le nom de « Frank » et son partenaire commercial, qui réalise la plus grande opération de commerce de bois de rose du Mali, auraient également été impliqués dans la contrebande d’ivoire entre le Mali et la Chine, depuis 2017 jusqu’en 2020 au moins. « De l’ivoire est sorti clandestinement d’Afrique chaque année, caché dans des bûches équarries de bois de rose, y compris des défenses d’éléphants du Gourma braconnés ».
Selon les conclusions de l’EIA, le commerce illégal du kosso en provenance du Mali est le monopole de la société Générale Industrie du Bois SARL (GIB), d’Aboubacrine Sidick Cissé. « Les enquêteurs de l’EIA ont découvert un circuit de corruption bien huilé dans la capitale Bamako, où des personnes envoyées par l’entreprise auraient été responsables de la distribution de l’équivalent de plus de 20 000 $ US en espèces à des membres du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, la Direction de l’Administration forestière (Service des Eaux et Forêts) et la Direction du Commerce, de la Consommation et de la Concurrence ».
L’EIA n’a pas reçu de réponse à ses multiples demandes d’Aboubacrine Sidick Cissé ni de Mamadou Gackou, ancien directeur national de l’administration forestière (Service des Eaux et Forêts) et ancien secrétaire général du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable.
Selon l’enquête de l’EIA, il y a un écart entre le volume de kosso officiellement déclaré dans les documents et le volume effectivement transporté. La source de l’EIA a estimé que l’écart équivalait à environ 15 à 20 % du volume indiqué dans le permis. Ce système de déclaration apparemment erronée pourrait être l’un des facteurs expliquant l’écart entre le volume de kosso exporté du Mali tel que déclaré par les autorités maliennes dans le cadre de la Cites et le volume importé en Chine/Vietnam tel que déclaré par les autorités chinoises et vietnamiennes dans le cadre de la Cites. La Chine et le Vietnam ont déclaré avoir importé 40 % de kosso de plus que les exportations déclarées du Mali.
En février 2022, les autorités togolaises ont arrêté 157 conteneurs pendant plusieurs jours. On ne sait pas exactement ce qui est arrivé à ces conteneurs. Les deux sociétés Maliennes identifiées dans ce trafic par le rapport EIA, sont la Société de gestion forestière d’Abdoulaye Halidou Cissé (SGFAHC) et la Générale Industrie du Bois SARL (GIB) de Cissé Aboubacrine Sidick.
« Pendant la haute saison d’exploitation forestière, jusqu’à 100 bûcherons à la tronçonneuse travaillent dans la forêt pour la plus grande entreprise malienne, la Générale Industrie du Bois SARL ». Selon l’enquête de l’EIA, les plus grands commerçants chinois paieraient jusqu’à 1,7 million de dollars par an en acomptes afin de garantir leur approvisionnement. Les entreprises maliennes sont également chargées de fournir à leurs clients tous les documents nécessaires dont les permis d’exportation Cites.
L’EIA établit que toutes les exportations de grumes de kosso équarries du Mali sont en violation de la loi malienne depuis mai 2020, en raison d’une interdiction de récolte (en vigueur de mai 2020 à mars 2021) suivie d’une réglementation d’interdiction d’exportation de grumes (en vigueur de février 2021 à ce jour) qui réaffirme les principes du code forestier malien en vigueur depuis 2010. Malgré tout, de mai 2020 à mars 2022, l’EIA estime que la Chine a importé plus de 5 500 conteneurs de kosso, en violation de la loi malienne.
« GIB et SGFAHC, deux sociétés contrôlées par le riche entrepreneur Cissé Aboubacrine Sidick, seraient responsables de la majorité de l’exploitation et de l’exportation de Pterocarpus erinaceus du Mali. EIA n’a pas reçu de réponse à ses multiples demandes de la part d’Aboubacrine Sidick Cissé ».
La société civile inaudible
Le décret 10-287/P-RM (26 juillet 2010) désigne le kosso comme espèce « partiellement protégée » au Mali. A ce titre, l’espèce est soumise au cadre juridique qui réglemente l’exploitation forestière au niveau national, le code forestier (loi 10/028 du 10 juillet 2010).
L’exploitation illégale du kosso aurait eu lieu dans les zones protégées, à mesure que les populations sauvages se raréfient, notamment dans les réserves forestières des Monts Manding et de Kéniéba-Baoulé.
De nombreuses communautés ont élevé la voix pour dénoncer l’impact négatif de l’exploitation forestière sur leurs moyens de subsistance, notamment lors de réunions multipartites d’une journée organisées par la société civile locale, au cours desquelles les dirigeants communautaires ont pris la parole pour décrire en détail l’augmentation de l’exploitation illégale du bois de rose.
L’association Wassa-Ton, en particulier, a annoncé que son dernier recours pour protéger sa forêt était de créer des brigades locales qui patrouilleraient dans les zones où l’exploitation est la plus intense. Alors que les communautés prennent en main la protection des forêts, les risques de conflits entre les membres des communautés et les équipes de bûcherons augmentent dans la région de Kayes.
Selon les résultats de l’inventaire forestier national, réalisé en 2006 et 2014, le Mali perd près de 100 000 ha de forêt chaque année. Selon ces résultats, avec une consommation d’un m3/Pers/an, le Mali pourrait connaitre un déficit en bois énergie, à partir de 2030, si des dispositions ne sont pas prises. Aujourd’hui, sur les 32 millions d’hectares de forêts recensés en 2002, il ne reste actuellement qu’environ 17 millions, très insuffisants pour inverser la tendance au réchauffement climatique.
Selon monsieur Gakou, ancien secrétaire général du ministère, ancien directeur du service des Eaux et Forêts, « l’effectif du personnel d’encadrement est insuffisant. Actuellement la DNEF ne compte qu’environ 800 agents. Ceci est très insuffisant si on se rappelle que le ratio d’encadrement international est d’un agent pour 5 000 ha. Présentement le ratio est d’un agent pour 75 000 ha. De plus, les agents ont besoin de recyclage dans la mesure où la technologie évolue et qu’il faudrait qu’on s’y adapte ».
Le 22 février, le gouvernement togolais a intercepté au port de Lomé 157 conteneurs de 27 tonnes de bois en provenance de Bamako après avoir transité par le Sénégal. La GIB – principale entreprise mise en cause dans le rapport de EIA – en était l’expéditeur. Interrogé par Le Monde, son directeur général, Aboubakrine Cissé s’étonne de ces accusations : « Notre marchandise était sur le port de Dakar avant le début de l’embargo et elle était en règle avec des certificats Cites comme il se doit. Ce n’est pas moi qui les délivre mais l’administration des eaux et forêts. Je n’ai jamais été contacté par une ONG pour répondre à des questions. »
Entre mai 2020 et mars 2022, la Chine a importé du Mali 220 000 arbres – soit 148 000 tonnes de kosso, et ce malgré l’interdiction de sa récolte et de son commerce dans ce pays d’Afrique de l’Ouest en proie à des troubles, selon un rapport publié mercredi par l’Agence d’investigation environnementale (EIA).
Vols, pillages et braconnages
De 2012 à 2017, la Chine a importé du Mali un demi-million de kosso, d’une valeur d’environ 220 millions de dollars, a constaté l’EIA. Le Mali avait déclaré une interdiction de récolte de bois de rose en 2020, mais celle-ci a été levée l’année suivante. Depuis, une “interdiction de l’exportation de bois” est en vigueur, mais les exportations vers la Chine se sont poursuivies, ont constaté les enquêteurs de l’EIA, qui estiment que plus de 5 500 conteneurs remplis de kosso ont été exportés vers la Chine de mai 2020 à mars 2022.
La majeure partie de l’exploitation forestière a lieu dans des zones protégées telles que des réserves forestières, en violation du code forestier malien.
Les demandes de commentaires adressées par courrier électronique à l’ambassade de Chine à Bamako et à Mamadou Gakou, secrétaire général du ministère malien de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, sont restées sans réponse.
Selon l’EIA, le trafic de bois de rose sert également à la contrebande d’autres marchandises. De l’ivoire illégal, dont une partie provient de l’abattage des éléphants du désert du Gourma, une espèce presque anéantie au Mali, a été trouvé à l’intérieur des troncs.
“Il semble que le négociant chinois connu localement sous le nom de “Frank” et son partenaire commercial, qui mènent la plus grande opération de commerce de bois de rose du pays, ont également été impliqués dans la contrebande d’ivoire entre le Mali et la Chine, à partir de 2017 jusqu’à au moins 2020″, indique le rapport. Il y a quelques mois, lorsque les enquêteurs de l’EIA ont parlé aux partenaires commerciaux de Frank, “ils étaient encore occupés à trouver comment faire sortir du pays un maximum de kosso qu’ils avaient dans le dépôt”, a déclaré Raphael Edou, responsable du programme Afrique à l’EIA
Pékin, note Haibing Ma, responsable à l’EIA, a stipulé que tous ses investissements étrangers dans le cadre de la Nouvelle route de la soie “devraient s’en tenir au principe et aux orientations énoncés dans l’accord de Paris”, le président Xi Jinping soulignant aussi que “la coopération entre la Chine et l’Afrique ne se fera jamais au détriment des intérêts des peuples africains.”.
Le pays doit maintenant joindre le geste à la parole et mettre fin à l’exportation de bois illégal depuis le Mali, a déclaré Haibing Ma : “En tant que grande puissance responsable, la Chine doit faire des efforts pour nettoyer ses lignes commerciales.”
“D’après notre enquête, la plupart des communautés forestières du Mali ont souffert à cause de la crise du bois de rose. Le bois est couramment volé dans les zones forestières des communautés. Les dirigeants locaux ont soulevé le problème à de multiples reprises : certains font de l’argent, eux en paient le prix”, a-t-il déclaré. Les résidents locaux finissent par perdre leurs forêts et ne reçoivent pas d’argent pour le bois. Certaines communautés vont jusqu’à patrouiller dans leurs forêts dans l’espoir d’attraper les bûcherons eux-mêmes.
Alexis Kalambry