Dans le cadre de son plan d’action de plaidoyer pour l’augmentation du crédit de fonctionnement des juridictions au Mali, le Réseau National pour l’Éveil Démocratique et Patriotique (RENEDEP), avec l’appui du Ministère des Affaires Etrangères du Royaume des Pays Bas à travers l’ONG internationale CORDAID, a organisé jeudi 05 Octobre 2023, à la Direction Nationale de l’Administration de la Justice (DNAJ ),sis à Banankabougou, un atelier d’adoption d’une stratégie de plaidoyer. L’ouverture des travaux était présidée par le directeur général de l’administration de la Justice, M. Djibrilla Maïga, en présence du Président du Réseau, Ibrahim Amadou Maïga et ainsi que les participants.
L’objectif principal de l’atelier consiste à faire adopter une stratégie de plaidoyer pour l’augmentation du crédit de fonctionnement des juridictions au Mali. Spécifiquement, il s’agit entre autres : Discuter sur la nécessité de mener un plaidoyer pour l’amélioration des conditions de travail des acteurs de la justice Malienne ; Examiner et adopter le draft de stratégie de plaidoyer conçu ; Engager une vingtaine d’organisations de la société civile dans le plaidoyer ; Mettre en place un mécanisme de suivi du processus de plaidoyer.
Rappelons que le Mali traverse depuis plus d’une décennie une crise multidimensionnelle sans précédent. Cette crise a mis à mal l’ensemble des secteurs liés à la sécurité et à la justice, notamment les forces de défense et de sécurité (FDS), les acteurs de la chaine pénale (ACP) et les communautés. La situation s’est aggravée à partir de 2016 avec les conflits intercommunautaires, l’enlèvement d’un magistrat à Niono et les menaces contre les acteurs judiciaires. Ces menaces auraient conduit à la délocalisation de certaines juridictions du nord et du centre du pays. Les communautés dans ces zones de conflit rencontrent de nombreuses difficultés pour accéder aux services de justice dans un paysage longtemps dominé par un banditisme urbain, périurbain et transnational croissant. Malgré les efforts déployés par l’Etat et ses partenaires dont l’adoption de la Loi d’Orientation et de Programmation de la Justice et d’autres réformes législatives en cours, l’accès à la justice reste limiter pour des raisons diverses, notamment les défis liés à la sécurité , l’éloignement des juridictions, le langage juridique, la lenteur des procédures judiciaires… En outre, il y a une disparité dans la répartition du personnel judiciaire et des huissiers-commissaires de justice, avec une forte concentration d’avocats et de greffiers à Bamako et dans une moindre mesure au niveau des capitales régionales. L’insuffisance des ressources humaines et financières constitue également une difficulté pour les acteurs de la justice. « Le maigre budget alloué au secteur de la justice explique aussi l’insuffisance de ressources humaines au sein des tribunaux. Actuellement 595 magistrats exercent au Mali. Sachant que la population malienne à plus de 19 millions d’habitants, le ratio magistrat par habitant est d’un magistrat pour 32 mille personnes. Alors que la moyenne européenne est de 20,9 magistrat.e.s pour 100 000 habitant.e.s, au Mali, ce ratio est de 3,1 pour 100 000 habitant.e.s » . En plus, l’exécution de certaines actions comme les transports judiciaires, les extractions, le service des cédules et surtout les visites des parquetiers au niveau des unités d’enquête relevant de leurs juridictions se sont avérés très difficiles. Il est vrai que des améliorations ont été apportées surtout avec la gestion des budgets en mode programme mais il reste encore à faire car dans la logique de la séparation des pouvoirs, la justice doit être conséquemment dotée afin d’assurer sa mission régalienne. La société civile est fragile non coordonnée et incapable de demander des comptes aux institutions pour l’inclusion ou pour la mise en œuvre d’actions visant à renforcer les mécanismes existants. En conséquence, le système politique accorde encore une attention insuffisante aux droits et aux besoins de l’ensemble de la population en général et se caractérise par l’inégalité, l’asymétrie du pouvoir et d’autres facteurs structurels qui perpétuent l’instabilité et les conflits. En réponse à ces nombreux défis, une Alliance d’organisations internationales et de partenaires locaux dont le Réseau National pour l’Eveil Démocratique et Patriotique (RENEDEP) ont initié un programme dénommé « Just Future » pour l’Amélioration de l’accessibilité, de la réactivité et de la redevabilité des institutions de sécurité et de justice, et processus de prise de décision politique et de paix inclusif, grâce à la mobilisation de la société civile pour une action collective et un plaidoyer qui contribuent à l’accélération et à la localisation de l’ODD 16 + dans six (06) pays fragiles dont le Mali.
Dans son discours marquant l’ouverture des travaux, le directeur général de l’administration de la Justice, dira qu’il convient de rappeler que cette activité s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme “Just Future” ou “Avenir Juste » prévu pour une durée de 5 ans et financé par le Ministère des Affaires Etrangères des Pays Bas, qui ambitionne de contribuer à l’amélioration de l’accessibilité, la réactivité et la redevabilité des institutions de sécurité et de justice, et des processus de prise de décision politique et de paix inclusif, grâce à la mobilisation de la société civile pour une action collective et un plaidoyer.
« Cette activité vient à point nommé pour soutenir les efforts des plus hautes autorités dans la refondation de l’Etat. En effet, le Département de la justice et des droits de l’homme a engagé plusieurs réformes pour l’efficacité et la modernisation de la justice malienne mais également pour lutter efficacement contre l’impunité et l’injustice dont nos populations souffrent depuis des décennies » a-t-il déclaré. Selon lui, cette activité va sans doute contribuer à l’amélioration des conditions de travail des acteurs de la justice car malgré la récente augmentation du crédit de fonctionnement des juridictions à 1,5% qui un effort considérable à saluer dans le contexte actuel de notre pays marqué par la lutte contre l’insécurité et le terrorisme, l’opérationnalisation de nouvelles juridictions de façon autonome tout l’amélioration des conditions de travail des acteurs de la justice restent un défi. De même, l’insuffisance liée aux ressources mises à la disposition des cabinets d’instruction qui n’arrivent pas à mener toutes les procédures en toute indépendance car le crédit sensé couvrir les frais d’extraction des détenus pour les comparutions et aussi pour les transports judiciaires sont dans certains cas à la charge des parties. Les procédures de décaissement depuis que la gestion des budgets en mode programme a été adoptée sans que les chefs de juridictions n’en soient formés sont autant de difficultés qui méritent une attention particulière. « Cet atelier est une opportunité pour vous organisations de la société civile de vous saisir de ces difficultés pour plaidoyer auprès des plus hautes autorités. Je vous exhorte à plus une participation active pour examiner cette stratégie proposée par Monsieur Diakalidia TRAORE en vue de son adoption » a-t-il indiqué avant de remercier le Réseau National pour l’Eveil Démocratique et Patriotique (RENEDEP) et son partenaire CORDAID sans oublier le Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas pour cette initiative qui va davantage engager davantage les parties prenantes à contribuer à la consolidation de l’État de droit à travers l’accessibilité, la réactivité et la redevabilité des services de justice dans notre pays.
Alassane Cissé