Pour les filles célibataires, parfois même des femmes mariées des régions de Ségou, Koulikoro et autres, le travail d’aide-ménagère non-qualifiée dans une grande ville est souvent la seule perspective pour gagner sa vie et soutenir sa famille. Elles quittent ainsi leurs villages pour la capitale. Mais elles sont peu préparées à la vie en ville et beaucoup d’entre elles n’ont que 12 à 14 ans.
Le sacerdoce:
En raison du dévouement à l’égard d’autrui qu’elle exige la fonction de FTD (Fille Travailleuse Domestique), présente un caractère particulièrement respectable. En effet, personnages incontournables dans les ménages à Bamako ou dans les autres villes du pays, elles sont, le plus souvent mal payées, alors qu’elles veillent quotidiennement à la bonne marche des familles de leurs employeurs.
Nous avons pris le soin d’interroger quelques « Filles travailleuses Domestiques », pour recueillir leurs impressions. « Filles travailleuses Domestiques »est l’expression consacrée par L’ONG Educo-Mali, notamment à travers le projet « JIGITUGU ». Le lancement officiel du projet de Promotion des Droits et Protection des Filles travailleuses Domestiques « JIGITUGU » s’est tenu le mardi, 06 août 2019 à l’Hôtel Olympe à Bamako.
Toutes celles rencontrées énumérant les mêmes tâches que Fatoumata « Je débute ma journée par faire la vaisselle, préparer le petit déjeuner puis accompagner les enfants à l’école, puiser de l’eau, faire des courses, faire la lessive, balayer la maison, faire le ménage. Et tout cela en portant au dos le dernier né de la famille » a-t-elle fulminé.
La jeune fille, âgée de 16 ans, témoigne : « J’ai commencé cette activité en 2017, j’avais douze ans à l’époque. Dans les différentes maisons dans lesquelles j’étais employée, je ne trouvais parfois pas à manger, je dormais mal, j’étais aussi la cible d’injures de la part de mes patronnes. En plus de tout cela, j’éprouvais toutes les peines du monde avant de percevoir mon salaire qui variait entre 7.500 francs et 10.000 francs CFA ».
Dans le cadre de la mise en œuvre de son projet Promotion des Droits et Protection des Filles Travailleuses Domestiques (Jigitugu), dont l’objectif est de contribuer à la reconnaissance et la jouissance effective des droits des filles travailleuses domestiques au Mali et l’amélioration significative de leurs conditions de vie, Educo et ses partenaires ont mis l’accent sur le plaidoyer pour faire face aux nombreux enjeux liés à la protection des Filles Travailleuses Domestiques (FTD) au Mali. En effet, pour atteindre un grand nombre de citoyens, les informer et les sensibiliser, des émissions radios vont être réalisées et diffusées sur les enjeux. Production de capsules vidéo et des spots de sensibilisation, diffusés sur les chaînes de télévision (télévision nationale et privé), les réseaux sociaux et forums de discussions (WhatsApp, Facebook et autres).
Promouvoir et soutenir l’application des textes juridiques protégeant les enfants, notamment des abus et pires formes de travail, en particulier est de vulgariser la convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) portant sur le travail digne pour les aides ménagères en vue de sa ratification et de son application.
Un phénomène préoccupant:
Selon une étude menée par Educo en 2016, le phénomène de travail domestique devient de plus en plus important et reste une préoccupation réelle.
En effet, les résultats, du 4ème recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2009 précisent qu’à Bamako, 90% des ménages emploient au moins une travailleuse domestique.
L’association de défense des droits des aide-ménagères et des domestiques (ADDAD) avait fait une estimation de 150.000 travailleuses domestiques à Bamako. Une autre étude faite par l’ONG allemande Kinderrechte Afrika (KIRA) annonce que 30% des filles travaillant comme aide-ménagères ont moins de 15 ans et 87% mineures commencent leur journée de travail avant 6 heures du matin et 74% d’entre elles n’ont pas de repos.
Seules 29% des jeunes aides ménagères mineures respectent la durée légale du travail journalier, soit 8 heures.
De l’exploitation à la maltraitance:
Un grand nombre de ménages à Bamako emploient des filles domestiques mineures. Elles y travaillent dans des conditions précaires sans accès à leurs droits fondamentaux de travailleuses tels que la sécurité sociale, des horaires décentes et régulières, un jour de repos hebdomadaire et des congés payés. En conséquence, ces filles sont exploitées ou maltraitées et risquent des problèmes de santé physique et/ou mentale. Cette situation d’exploitation est favorisée par la méconnaissance des filles de leurs droits et l’absence d’un environnement social protecteur. Sekou Kassé, juriste, chef du service contentieux de l’entreprise ECID a déclaré que les FTD ont droit à un salaire minimum légal. Puis a précisé que le salaire minimum national par mois, 40 000 CFA est en vigueur au Mali et aucun travailleur ne peut être payé moins que ce taux salarial minimal obligatoire. Au Mali, les employeurs payant moins que le salaire minimum peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires, ajoute-t-il.
Le juriste a souligné que le repos hebdomadaire a lieu, en principe, le dimanche. Mais d’accord parties, il peut être fixé à un autre jour ou donné à raison de deux demi-journées dans la semaine. Les fêtes légales chômées par le personnel de maison n’entraînent aucune réduction de salaire.
L’exploitation économique des filles et les violences ou abus sexuel se rencontrent dans 50 % des cas. Quand les filles tombent enceintes, elles sont abandonnées sans aide. On remarque ainsi un nombre croissant de jeunes mères en détresse qui ont perdu leur emploi et ne peuvent plus retourner en famille à cause de leur enfant. Dans la rue, sans protection et soutien, elles font face à des problèmes multiples.
Projet Jigitugu
D’après Moussa Kalilou COULIBALY, Chef de projet Jigitugu, « 76% des filles travailleuses domestiques avancent comme principale raison de leur migration, la pauvreté ou le manque d’argent. Les cotisations diverses, uniformes, fournitures scolaires, distance à parcourir, etc. rendent l’école onéreuse et contribuent à la fin précoce des études de nombreuses filles des zones rurales leur motivant ainsi à la migration précoce vers des centres urbains ».
Le Chef de projet a informé qu’à travers ses interventions, Jigitugu permettra aux Filles Travailleuses Domestiques qui n’ont pas l’âge de travailler, d’avoir des opportunités d’étudier dans leurs communautés. Pour celles ayant déjà entamé un projet de migration, des actions de réponses sont également prévues pour elles afin qu’elles puissent évoluer dans des environnements où leurs droits les plus élémentaires sont respectés.
En dehors des appuis, des suivis sont organisés pour s’assurer de la fréquentation des bénéficiaires et encourager leurs parents pour le maintien des filles à l’école. Toutes choses qui renforcent la prévention de la migration précoce des filles dans les zones de départ.
Issa Baradian TRAORE
Source : LE CANAL (Hebdomadaire d’Informations Agropastorale, économiques et divers)