Aujourd’hui, si une situation mérite qu’on s’y arrête et qu’on y réfléchisse très sérieusement pour la communauté musulman, c’est bien l’amalgame affabulateur de l’islam de toutes les vitupérations et de toutes les épithètes de dangerosité : fanatisme, extrémisme, radicalisme, et même terrorisme, acte de violence (attentats, prises d’otages, actes de kamikaze, de sabotage, de détournement, etc.) commis par un individu, une organisation pour créer un climat de terreur, d’insécurité, d’exercer un chantage à l’encontre d’un individu, d’un gouvernement ou pour satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système.
Et comme si cela ne suffisait pas, le pire et le plus insupportable de tout, ce sont les violentes récriminations, les accusations injustes et surtout les insidieux amalgames à l’égard du mot “jihad”. Et tout cela à travers un prisme déformant et répulsif d’un segment essentiel de l’islam, loin d’être un acte isolé. Loin s’en faut. “Allahou Akbar” est devenue une phrase prisée après chaque attentat terroriste. Et que sais-je encore ?
Malheureusement, ces dires et faits graves et inquiétants, ainsi que d’autres encore sont admis et passent dans l’indifférence de tous. On s’étonne du consensus des medias, des politiques, et surtout du milieu religieux autour de cette nouvelle altération du mot djihad par “jihadisme, jihadiste…”
Le gout de la provocation et l’opportunisme mercantile de certains milieux, tout comme les politiques se sont déclarés entièrement solidaires de cet amalgame, sans aucun égard pour les sentiments des musulmans et ont indéniablement attisé le feu sur la situation des musulmans dans le monde, et causé beaucoup de dégâts à l’islam. Les exemples des faits et déclarations participant de cet amalgame et de la suspicion généralisée de toute une communauté sont hélas fort nombreux.
Notre objectif est d’apporter une modeste contribution à l’éclairage d’une certaine compréhension non fondée et surtout d’un certain amalgame provocateur et délibéré sur le mot Jihad, aujourd’hui perverti à l’image du terrorisme.
Le mot Jihad signifie “effort”. Par conséquent, la traduction exacte du terme Jihad dans son acception large est “l’effort”. Autrement dit, Dieu enseigne à son prophète que le Coran de par ce qu’il contient comme vérité et arguments est alors la meilleure arme. Indéniablement, il s’agit d’un combat verbal et d’une lutte en usant des arguments.
Le terme djihad au sens littéral, signifie faire de son mieux et exercer tous les efforts possibles afin d’accomplir quelques chose. Ce n’est pas l’équivalent de la guerre, qui se dit Qital en arabe. Le Jihad a un sens beaucoup plus large et inclut toute sorte d’efforts pour la cause de Dieu
Prophète (PSL) dit : “le meilleur des jihads, c’est que tu fasses le jihad envers ton désir et ta passion, pour plaire à (Allah)”. Nul doute qu’il s’agit bien ici de l’effort que le musulman doit fournir pour que ses désirs et ses passions soient conformes à ce que Dieu agrée.
Une autre citation célèbre et authentique évoque ce sens du jihad : c’était lorsque le prophète s’apprêtait un jour à partir en campagne, un de ses compagnons lui demanda de l’accompagner. Il répondit : “Tes parents sont-ils vivants ?”, “oui “ dit l’homme. Et le Prophète lui répliqua alors : “c’est vis-à-vis d’eux (les parents) que tu dois faire le jihad”. Le Jihad, c’est comprendre, faire l’effort de se conduire pieusement et respectueusement avec ses parents. Dans un autre hadith, le Prophète, considère la compassion et la solidarité sociale envers les nécessiteux comme jihad : “celui qui pourvoit aux besoins de la veuve ou de l’orphelin, est comme jihad dans le sentier de Dieu”.
En fait, un glissement sémantique est le résultat d’une interprétation idéologique du terme Jihad qu’on traduit abusivement par “la guerre sainte”. Ainsi, on mesure bien combien il est faux et scandaleux de traduire systématiquement le mot jihad par “guerre sainte” ou “guerre juste”. A cet effet, nous mettons au défi quiconque de trouver dans le Coran ou la Sunna du Prophète Mohammed (PSL) un quelconque passage qui parle de guerre sainte. En effet, la traduction en arabe de la “guerre sainte” est “Al-qital al-uqqadass” ou bien encore “Al harb al-muqqadass”. Nous précisons que toutes ces occurrences sont entièrement absentes des sources écrites de l’Islam : le Coran et la Sunna. Le terme Jihad repose sur deux aspects. L’un consiste à se battre pour surmonter les désirs charnels et les penchants au mal. C’est le Grand Jihad. L’autre consiste à encourager les autres à réaliser le même objectif. C’est le Petit Jihad.
Tandis que l’armée musulmane rentrait à Médine après une victoire sur l’ennemi, le Messager de Dieu leur dit : “Nous retournons du Petit jihad au Grand jihad”. Quand les compagnons demandèrent ce qu’était le Grand jihad, il leur expliqua qu’il s’agissait de lutter contre son moi charnel, contre nos propres pulsions destructrices, telles que l’arrogance, l’esprit de vengeance, la jalousie, l’égoïsme, la vanité et les désirs charnels.
Et même la guerre à laquelle on veut tracer un parallèle avec le mot jihad, l’islam l’a bien règlementé. D’abord, le musulman ne commence jamais une guerre que dans une position défensive. “Autorisation est donnée à ceux qui ont été attaqués de se défendre, parce qu’ils ont été injustement traités. Allah est Puissant pour les secourir” (Coran 22 : 39) et “Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes, Allah n’aime pas les transgresseurs” (Coran 2 : 190) en sont de parfaites illustrations.
Le Prophète Mohammed (PSL) fut parmi les premiers à promulguer une loi internationale sur l’humanisation de la guerre avec une grande innovation. Par exemple, il n’y avait pas de loi concernant les prisonniers de guerre. Les prisonniers de Badr étaient rançonnés chacun pour 4000 dirham. Mais tous ceux qui peuvent écrire purent se libérer, sur ordre du prophète (PSL), en enseignant chacun cet art à 10 garçons musulmans de Médine : “La permission aux musulmans d’avoir des instituteurs polythéistes”. Le messager établit une série de règles pour apporter une “discipline” au combat. Ce qui suit est un ordre donné par lui et par tous ses vrais successeurs aux armées prêtes à partir, un ordre obéi à la lettre par les musulmans dans leurs guerres en tant que musulman : “Gardez toujours la crainte de Dieu à l’esprit. Rappelez-vous que vous ne pouvez rien faire sans Sa grâce. N’oubliez pas que l’islam est une mission de paix et d’amour. Ne détruisez pas les arbres fruitiers ou les champs fertiles sur vos chemins. Soyez justes et respectez le sentiment des vaincus. Respectez toutes les personnes religieuses qui vivent en ermitage ou dans les couvents, et épargnez leurs édifices.
Ne tuez pas de civils, et ne violez pas la chasteté des femmes et l’honneur des conquis. Ne faites pas de mal aux vieillards et aux enfants, et n’acceptez pas de présent (cadeaux) de la part de la population civile. Ne logez pas vos soldats ou vos officiers dans les maisons des civils”. En toute circonstance, l’obéissance à Dieu implique une obéissance inconditionnelle ce qui a été révélé dans le Coran. L’obéissance au Messager signifie de suivre son style de vie de prés et autant que possible en obéissant ce qui est ordonné ou prohibé dans le Coran et par le Messager. “Prenez ce que le Messager vous donne et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en” S 59 V 7.
Au nom de quoi peut-on faire prévaloir le terme Jihad pour semer la terreur en massacrant les populations civiles innocentes : des vieillards, des enfants, des femmes ? Au nom de quoi peut-on faire prévaloir le terme Jihad pour incendier des villages, leurs bétails, leurs champs en maturité, et même les greniers biens achalandés, empoisonner les cours d’eau et les puits ? Au nom de quel Jihad peut-on faire prévaloir pour se faire exploser au milieu d’une foule d’innocente population et de surcroit dans une mosquée, enlever les femmes ? Ces actes ne font honneur à aucune religion révélée, mais relève du terrorisme pur.
Nous remercions le gouvernement de la Transition d’avoir banni dans toutes leurs déclarations cet amalgame délibéré de “jihadistes” en lieu et place de terroristes.
Oui à la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, mais non à l’amalgame délibéré et entretenu entre le jihad et le terrorisme.
Mohamed KIMBIRI
Président Collectif des associations musulmanes du Mali