Cet article a été initialement publié par maliweb
Karimou Coulibaly, Békaye Samaké, respectivement préfet et maire de la commune rurale de Macina et Boubacar Sidiki Haïdara, chef de la subdivision de l’urbanisme et de l’habitat de la même localité, se sont présentés devant les jurés des Assises pour répondre des faits d’atteinte aux biens publics, faux et usage de faux et complicité. C’était le lundi 15 juillet 2024. Reconnus non coupables, ils ont été acquittés des faits à eux reprochés.
Le préfet de Macina Karimou Coulibaly a reconnu avoir commis des erreurs administratives. A ses dires, loin de lui l’idée d’enrichissement. A la question de savoir pourquoi avoir délivré des lettres d’attribution et des permis de construction sans avoir les qualités, il a répondu que c’était pour régler une situation d’urgence, sinon qu’il n’a jamais eu une intention frauduleuse. Le maire Békaye Samaké a expliqué avoir reçu des lots de la part du préfet pour les conseillers, sinon qu’il ne s’est pas occupé directement dudit morcellement. Le président l’a demandé qui s’occupe des questions de morcellement, il a répondu : ”C’est le gouverneur qui avait autorisé le morcellement qu’on a eu à faire avec le service technique des domaines. Cette fois-ci, c’est le préfet qui s’en est occupé parce qu’il y avait une urgence.” A la question de savoir s’il a une fois vendu un lot, il a répondu n’avoir jamais vendu de parcelle. Pour sa part, Boubacar Sidiki Haïdara, chef de la subdivision de l’urbanisme et de l’habitat de Macina a indiqué qu’il a été saisi pour corriger les irrégularités dans les procédures de morcellement parce que le préfet et le maire savaient tous qu’il avait des erreurs en ne suivant pas les procédures normales.
Prenant la parole, le contentieux de l’État a déclaré qu’il s’agissait plutôt d’une spéculation foncière. Il a demandé 10 millions de FCFA pour la valeur du site morcelé. Quant au ministère public, il s’est demandé si la faute commise par le préfet et le maire est-elle administrative ou pénale. Il a répondu qu’il s’agit plutôt d’une faute administrative parce que le préfet n’a pas suivi les procédures administratives à cause de l’urgence de déguerpir les habitants sur le réseau de la SOMAGEP. ”Il l’a fait pour soulager la population afin qu’elle ne soit pas inondée et pour permettre à la société de travailler tranquillement. Il y a un doute sérieux dans le dossier. Il est évident qu’il y a eu une faute administrative et le préfet a indiqué qu’il avait déjà entamé une procédure de régularisation afin que l’Etat entre en possession de l’argent perdu par l’irrégularité. Il y a un doute fort que les accusés se soient enrichis sur le dos de l’Etat. En l’absence de preuve, nous vous demandons de laisser tomber cette accusation et de les déclarer non coupables”, a requis le parquet.
La défense des trois accusés a souligné que ses clients n’ont pas suivi la procédure normale parce que cela prendrait 2 ans alors qu’il y avait urgence. L’avocat a plaidé non coupable et a demandé l’acquittement de ses clients. La Cour, après les avoir reconnu non coupables, les a acquittés des faits à eux reprochés sans amende.
Le 13 juin 2019, un collectif de conseillers municipaux de la commune rurale de Macina, conduite par Moustapha Camara, a saisi le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de la commune III du District de Bamako, en charge du Pôle Economique et Financier, d’une lettre de dénonciation des faits de malversations financières et foncières contre les nommés Karimou Coulibaly et Békaye Samaké, respectivement préfet du cercle et maire de la ville de Macina.
Dans cette dénonciation, ils exposaient que les susnommés auraient irrégulièrement morcelé un site destiné à servir de réserve foncière et d’espace vert dans le quartier de Nèmabougou, conformément au schéma directeur d’urbanisme de la ville de Macina. Ils soutiennent que les deux (02) autorités visées dans leur dénonciation se seraient également partagés les lots issus de cette opération frauduleuse de morcellement avec la complicité de Boubacar Sidiki Haïdara et de Issa Sidibé, respectivement chef de la subdivision de l’urbanisme et de l’habitat et régisseur des recettes à la mairie de la ville.
Sur la base de ces renseignements, une mission de l’inspection des domaines et des affaires foncières, puis l’enquête préliminaire effectuée par la brigade du pôle économique et financier, ont permis de confirmer ces pratiques spéculatives. En effet, les enquêtes ont permis d’établir que le préfet du cercle et le maire de la commune rurale de Macina ont procédé à un morcellement sur des terres, propriété exclusive de l’Etat, et qui n’ont pas été affectées à la mairie.
Ils ont pourtant établi des permis d’occuper ainsi que des lettres d’attribution en sachant que le lotissement ne respectait pas les dispositions légales en vigueur en la matière. A l’issue du procès-verbal du 29 janvier 2020, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre des susnommés pour des faits de faux en écriture, atteinte aux biens publics et complicité. Tout au long de la procédure, le nommé Issa Sidibé, régisseur des recettes de la commune rurale de Macina, inculpé pour des faits de complicité de faux en écriture et d’atteinte aux biens publics a clamé son innocence. Il a notamment expliqué avoir renseigné des permis d’occuper remis en cause, sur instruction du maire de la commune, son supérieur hiérarchique. D’ailleurs, lesdits permis ont tous été soumis à la signature de ce dernier. L’information n’a pu révéler aucune charge allant dans le sens de l’implication de l’inculpé Issa Sidibé dans les faits incriminés. Dès lors, en application des dispositions de l’article 211 du code de procédure pénale, il y a lieu de le mettre hors de cause, pour insuffisance de charges.
Les nommés Karimou Coulibaly et Békaye Samaké sont inculpés, dans la présente procédure, pour des faits d’atteinte aux biens publics, de faux ainsi que d’usage de faux, tandis que l’inculpé Boubacar Sidiki Haïdara répond de complicité de ces faits. Les susnommés ont reconnu les faits qui leur sont reprochés tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur. En effet, Karimou Coulibaly et Békaye Samaké ont expliqué qu’ils ont effectivement morcelé un espace qui était une réserve foncière et un espace vert dans le cadre lotissement destiné à recaser certaines personnes. Ils ont reconnu avoir cédé les lots issus du lotissement de ce site et ont disposé des produits de ces cessions sans recouvrer le moindre frais d’édilité. Le morcellement des terres en parcelles à usage d’habitation par la mairie est soumis à une procédure légale bien déterminée. Les inculpés ont reconnu que ces procédures légales n’ont pas été respectées.
Quant à Boubacar Sidiki Haïdara, il a expliqué avoir effectivement permis à Karimou Coulibaly et Békaye Samaké, en connaissance de cause, d’accomplir leur forfait, notamment en leur fournissant l’aide nécessaire en vue de la réussite de l’opération frauduleuse de morcèlement incriminée.
Marie Dembélé