Un fibrome est une tumeur bénigne constituée de tissu musculaire et fibreux. Appelée aussi léiomyome ou myome, cette tumeur musculaire non cancéreuse, méconnue ou sous-diagnostiquée est responsable chez les femmes de douleurs pelviennes brutales et intenses, de saignements vaginaux anormaux (ménorragie) causant l’anémie, la constipation, les fausses couches spontanées à répétition, des douleurs lors des rapports sexuels, une infertilité et des accouchements prématurés. Les fibromes ou myomes représentent les tumeurs bénignes les plus fréquentes du système reproducteur féminin touchant en Afrique plus de 50% de femmes en âge de procréer, selon une source citée par TV5 Monde.
Asymptomatique chez la majorité des femmes, cette pathologie est diagnostiquée en retard. Elle est détectée suite à une échographie pelvienne. Cependant, il n’existe à ce jour aucun facteur déterminant l’origine de cette maladie. Néanmoins, plusieurs facteurs concourent à son évolution. Pour mieux appréhender cette pathologie, en connaitre les causes et les symptômes, nous sommes allés à la rencontre d’un spécialiste en la personne de Dr Adamou Bozari, gynécologue obstétricien, chef de service obstétrique de la maternité Issaka Gazobi. Selon lui, les facteurs de croissance favorisant ce phénomène sont entre autres les facteurs hormonaux causant une hyper-œstrogénie caractérisée par une sécrétion abondante d’œstrogènes (hormones féminines), des facteurs liés à la race. Et pour cause, les études menées à ce sujet s’accordent à reconnaitre que les femmes noires sont celles qui sont les plus risque.
Il y a également des facteurs liés à l’âge de la survenue des premières règles qui représentent 4% de femmes dont l’âge est inférieur à 30 ans, 22% pour celles dont l’âge varie entre 30 et 39 ans, 61% entre 40 et 49 ans et 11% pour les femmes de plus de 50 ans. En outre il y a aussi des facteurs familiaux se justifiant par l’hérédité au sein d’une famille avec un taux non négligeable de 2,2% auquel s’ajoutent la mauvaise alimentation et l’obésité qui, elles contribuent à la multiplication des fibromes dans le corps de la femme. Enfin, entre autres causes du fibrome, il y a également les facteurs liés à une vie sexuelle. Les femmes menant une vie sexuelle inactive développent également le risque d’avoir le fibrome, selon l’expert.
Les techniciens indiquent que les fibromes se présentent sous différents types. Le fibrome peut-être microscopique ou volumineux. Il peut se situer sur différents endroits de l’utérus généralement au niveau de la paroi composée de 3 couches. Ainsi, on peut noter les fibromes sous-séreux (sous la surface externe de l’utérus), les fibromes intra muraux (à l’intérieur de la paroi utérine) et les fibromes sous-muqueux qui sont sous la couche interne de la muqueuse ou de l’endomètre. Selon le spécialiste, ce type est le cas le plus complexe de la maladie présentant jusqu’à 52 myomes dans un seul utérus et causant ainsi des douleurs atroces et insupportables. Comment traiter le fibrome. «Quand la taille de la tumeur est inférieure à 10cm, on n’effectue aucune opération chirurgicale mais on prescrit des médicaments pour la traiter. Mais lorsque la tumeur empêche certaines activités et devient gênante, l’intervention chirurgicale est nécessaire. Cette dernière consiste à l’ablation de la tumeur», a indiqué Dr Bozari. Pour sa détection, le médecin explique qu’au Niger, 50 à 70% des cas de fibromes sont diagnostiqués avant 30 ans de manière fortuite, 20 à 30% de femmes nigériennes en âge de procréer sont atteintes de cette malade et les autres ignorent son existence jusqu’aux premiers signes. Aucun traitement curatif n’existe à ce jour pour guérir ou prévenir cette maladie. Le spécialiste soutient que 95% des cas sont situés au niveau du fond utérin et les fibromes récidivent dans 70% des cas, même après une opération. En plus de la récidive, le fibrome peuvent aussi se transformer en cancer avec un taux d’environ 1%. Les fibromes peuvent aussi causer l’infertilité chez certaines femmes dans 1 à 2% des cas. Étant une maladie très fréquente chez les femmes nigériennes, certaines femmes en souffrent au quotidien et d’autres perdent le seul moyen de concevoir et de donner la vie.
Pour comprendre l’effet de cette pathologie, quelques femmes victimes ont bien voulu témoigner de leur vécu avec cette maladie, hélas très fréquente dans notre pays. C’est le cas de M Kadidja Oumarou, 44 ans, ménagère et mère de 4 enfants qui a souffert de cette maladie ayant conduit jusqu’à l’ablation totale de l’utérus. Témoignage pathétique d’une dame qui a perpd son seul moyen de concevoir. «Tout a commencé avec des saignements abondants, des douleurs insupportables et une sensation d’un poids au niveau du bas ventre. Je n’ai jamais consulté un médecin, par peur. Étant divorcée, je me souciais trop des préjugés et quand la maladie a été détectée, il était trop tard. C’est ainsi que j’ai subi une opération et mon utérus a été retiré», a-t-elle confiée.
On voit ici que la négligence est la principale cause de développement de cette maladie. Négligence par peur ou par ignorance. Pour le cas de Mariama, 25 ans, étudiante et femme mariée, sa mésaventure du fibrome a eu un début précoce. «Je n’avais que 16 ans quand j’ai observé un changement de mon cycle menstruel. Je connaissais l’existence du fibrome mais j’avais peur de me faire consulter et de découvrir une autre maladie, surtout n’étant pas mariée à l’époque. Après mon mariage, les fausses couches sont devenues monnaie courante dans mon foyer. J’en ai souffert depuis car, garder une grossesse est devenu un combat que je mène au quotidien», dit-elle.
«Je n’ai jamais été mariée, je n’ai aucun enfant et je vis avec cette maladie depuis plusieurs années. J’ai subi au total 3 opérations mais, les symptômes reviennent toujours plus forts qu’avant et aucun moyen de m’en débarrasser définitivement. Le retrait de l’utérus a été la seule solution. Et j’’ai opté pour cette option radicale comme alternative lors de ma dernière opération car, les douleurs deviennent de plus en plus intenses et insupportables», déclare Mme Salamatou, une fonctionnaire de 53ans.
Dr Adamou Bozari a tenu à souligner que pour les femmes nigériennes, les perturbations hormonales, la mauvaise alimentation, l’obésité et l’utilisation des produits cosmétiques restent les facteurs indéniables parmi les causes de cette maladie qui sévit au Niger. «Nous avons enregistrés 350 perturbateurs hormonaux et 85% des maladies touchant les femmes sont liées aux comportements alimentaires».
Au-delà des propos tenus par le gynécologue nigérien, une étude menée en janvier 2012 sur 24.000 femmes examinées par des chercheurs en épidémiologie de Boston, parue dans le ‘’American Journal of Epidemiology’’ et publiée en 2014, révèle que l’utilisation des produits cosmétiques est une cause de cette maladie. Cette étude a en effet établi une corrélation entre l’usage desdits produits et les fibromes déclarant que les produits défrisants, particulièrement utilisés par les femmes noires, augmentent les risques de léiomyomes. Dr Adamou Bozari a appuyé cette assertion en indiquant tous les produits dangereux utilisés pour la fabrication avant d’interpeller les femmes à plus de surveillance face aux signes d’alerte du fibrome. «Ces produits sont composés de corticoïdes, de conservateurs, de colorants, et d’autres substances interdites dans la cosmétique, dans plusieurs pays comme l’hydroquinone», a-t-il déclaré. «J’appelle toutes les femmes à une vigilance accrue dans le suivi de leur cycle menstruel et leur demande de notifier tout changement flagrant constaté. La consultation gynécologique, au moins deux fois par an, est nécessaire pour faire face aux pathologies génitales en général et les fibromes en particulier. Vous pouvez vous sauver et nous aider à mieux vous sauver», a-t-il indiqué.
Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)